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monsieur Gryce ? Ah ! naturellement… que je suis bête !… je comprends.

Et Mrs. Dorset se renversa contre ses coussins de voyage, avec un sourire qui fit regretter à Lily qu’il se fût trouvé un siège vacant auprès du sien.

III


Le bridge, à Bellomont, durait, d’habitude jusqu’à une heure avancée de la nuit, et, quand Lily remonta se coucher, elle avait joué trop longtemps pour son bien.

Ne se sentant aucun appétit pour les réflexions qui l’attendaient dans la solitude de sa chambre, elle s’attarda sur le vaste palier, plongeant les yeux dans le hall, où les derniers joueurs formaient un groupe autour du plateau chargé de longs verres et de carafes au col d’argent que le maître d’hôtel venait de poser sur une table basse, auprès du feu.

Le hall était à arcades, avec une galerie que supportaient des colonnes de marbre jaune pâle. Aux angles des murs, de hauts massifs de plantes en fleur se détachaient sur un fond de feuillage sombre. Sur le tapis cramoisi, un limier et deux ou trois épagneuls sommeillaient voluptueusement devant le foyer ; la lumière qui tombait de la grande lanterne centrale lustrait les chevelures des femmes, et, au moindre mouvement, faisait jaillir des étincelles de leurs bijoux.

Il y avait des moments où des scènes de ce genre ravissaient Lily, où elles satisfaisaient son sens de la beauté, son aspiration vers une vie extérieurement parfaite ; il y en avait d’autres où elles donnaient une arête trop vive à la maigreur des occasions qui s’offraient à elle. À ce moment-là, le sentiment du contraste prédominait, et elle tourna impatiemment la tête à la vue de Mrs. George Dorset qui, scintillante et serpentine en ses paillettes, entraînait Percy Gryce dans son sillage vers un recoin intime, sous la galerie.

Ce n’était pas que miss Bart redoutât de perdre l’ascendant qu’elle venait d’acquérir sur M. Gryce. Mrs. Dorset pouvait bien le troubler ou l’éblouir, mais elle n’avait ni l’habileté ni la patience nécessaires à le capturer. Elle était trop occupée