Page:Revue de Paris - 1907 - tome 6.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cuisine et d’une élégante garde-robe ; et, bien qu’elle fût loin de les déprécier, elle les eût changés avec joie pour ce que Mrs. Bart l’avait instruite à regarder comme des occasions. Elle soupirait à la pensée de tout ce que les indomptables énergies de sa mère eussent accompli, si elles avaient été unies aux ressources de Mrs. Peniston. Lily elle-même était fort énergique, mais elle était entravée par la nécessité de s’adapter aux habitudes de sa tante. Elle voyait qu’il lui fallait à tout prix rester dans les bonnes grâces de Mrs. Peniston jusqu’à ce qu’elle pût, comme eût dit Mrs. Bart, se tenir toute seule sur ses pieds. L’existence vagabonde du parent pauvre ne charmait nullement Lily, et pour s’adapter à Mrs. Peniston, il lui fallait, dans une certaine mesure, imiter l’attitude passive de cette dame. Elle s’était imaginé tout d’abord qu’il serait facile d’entraîner sa tante dans le tourbillon de ses propres activités, mais il y avait chez Mrs. Peniston une force statique contre laquelle tous les efforts de sa nièce se brisèrent en vain. Tenter de la mettre en contact direct avec la vie, c’était comme si l’on voulait arracher un meuble préalablement vissé au parquet. Non qu’elle attendit de Lily que celle-ci demeurât également immobile : elle avait toute l’indulgence du tuteur américain pour la légèreté de la jeunesse. Elle avait aussi de l’indulgence pour d’autres habitudes de sa nièce : elle trouvait fort naturel que Lily dépensât tout son argent en toilettes, et, de temps en temps, elle suppléait au maigre revenu de la jeune fille par de « jolis cadeaux » destinés au même usage. Lily, qui était profondément pratique, aurait préféré une pension fixe ; mais Mrs. Peniston appréciait les périodiques retours de reconnaissance déterminés par des chèques inattendus, et peut-être était-elle assez maligne pour percevoir qu’une semblable manière de donner entretenait chez sa nièce un salutaire sentiment de dépendance.

En dehors de cela, Mrs. Peniston n’avait pas estimé que sa charge comportât d’autres devoirs : elle s’était tenue de côté, simplement, et avait laissé sa nièce entrer en campagne. Lily s’y était mise, en campagne, d’abord avec l’assurance d’un possesseur qu’on ne saurait déloger, puis avec des exigences de plus en plus restreintes, et maintenant elle en était à lutter pour un pouce de terrain sur ce vaste espace qui jadis semblait