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d’indiquer une date, et Gus prétend qu’elle a dit à quelqu’un qu’elle avait l’intention de rester ici tout l’hiver.

— Rester ici ?… dans cette maison ?…

— Ne faites pas la bête : en Amérique !… Mais, si personne d’autre ne l’invite… vous savez, ces gens-là ne vont jamais à l’hôtel.

— Peut-être Gus n’a-t-il dit cela que pour vous effrayer.

— Non. J’ai entendu lady Cressida raconter à Bertha Dorset qu’elle avait six mois à occuper pendant que son mari faisait une cure en Engadine… Il fallait voir Bertha prendre un air absent !… Mais je ne plaisante pas, vous savez : si elle passe tout l’automne ici, elle gâtera tout, et Maria Van Osburgh exultera, simplement !

À cette affligeante vision, la voix de Mrs. Trenor trembla de pitié pour elle-même.

— Oh ! Judy… comme si quelqu’un s’était jamais ennuyé à Bellomont ! — protesta miss Bart avec tact. — Vous savez parfaitement bien que, si Mrs. Van Osburgh arrivait à réunir tous les gens agréables et vous laissait les autres, vous vous arrangeriez pour faire tout bien marcher, et elle n’y parviendrait pas.

Une telle assurance aurait généralement réconforté Mrs. Trenor. Mais, cette fois, le nuage ne disparut pas de son front.

— Ce n’est pas seulement lady Cressida, — gémit-elle. Tout a été de travers, cette semaine. Je vois bien que Bertha Dorset est furieuse contre moi.

— Furieuse contre vous ? Et pourquoi ?

— Parce que je lui ai dit que Lawrence Selden viendrait : or, finalement, il n’a pas voulu venir, et elle est assez peu raisonnable pour s’imaginer que c’est ma faute.

Miss Bart posa la plume et regarda distraitement la lettre commencée.

— Je croyais que c’était fini, — dit-elle.

— Oui, de son côté, à lui. Et, naturellement, Bertha n’a pas perdu son temps depuis. Mais je me figure qu’elle est inoccupée, en ce moment… et quelqu’un m’a insinué que je ferais mieux d’inviter Lawrence. Eh bien, je l’ai invité… mais je n’ai pu le forcer à venir. Et maintenant je suppose qu’elle me punira en étant parfaitement désagréable avec tous les autres.