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LES OPÉRATIONS AUTOUR DE CASABLANCA

mieux que tout commentaire l’inaction du corps de débarquement et la décision prise par le commandement de ne pas former de colonne dont le rayon pût dépasser une journée de marche vers l’intérieur. Les mobiles qui ont pu provoquer cette grave détermination sont au nombre de trois : l’appréhension de voir les Chaouïa échapper à nos troupes et d’être obligé de revenir à Casablanca sans avoir pu les atteindre ; l’exagération du nombre et de la valeur de l’ennemi ; la crainte des difficultés matérielles.

De ces trois causes la première a paru exercer le plus d’influence ; on l’a toujours invoquée et a tout propos. Combien de fois ne nous a-t-on pas représenté notre adversaire comme invisible, insaisissable, s’évanouissant dès qu’on tente de s’approcher de lui !

Sans doute les Marocains sont fort mobiles, mais il ne faut pas oublier qu’en s’enfuyant devant nous ils devaient emporter avec eux tout ce qu’ils possédaient. Les femmes, les enfants et les vieillards ne peuvent pas se déplacer aussi vite que les guerriers. Les principales richesses des habitants de cette contrée sont les céréales et le bétail. Or, à cette époque de l’année, il n’y a pas longtemps que la moisson est faite et les silos sont pleins des provisions d’orge, nécessaires jusqu’à la prochaine moisson ; en se retirant indéfiniment vers l’intérieur, les Chaouïa abandonnaient toutes leurs récoltes au vainqueur. Les importants troupeaux de bœufs et de moutons n’auraient guère pu non plus nous échapper, car le bétail marocain n’a pas, que l’on sache, une allure plus vive que celui des autres pays. Faire le vide devant nos colonnes équivalait donc pour les indigènes à une véritable émigration, dont la marche eût été alourdie par des impedimenta sans nombre ; on ne peut songer à soutenir qu’une pareille cohue de bêtes et de gens est capable d’atteindre un degré de mobilité supérieur à celui des troupes légères, remarquablement entraînées et dont les besoins sont des plus limités. Ajoutons qu’il se trouve dans la Chaouïa un certain nombre de points fixes, gros villages de 2 000 à 3 000 habitants : les plus importants sont Dar-Ber-Rechid et Settat, situés à environ 40 et 60 kilomètres de Casablanca.

Les Chaouïa, pour être mobiles, ne sont donc pas insaisissables ; même en admettant que les troupes françaises fussent