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si terriblement joueur. Eh bien, comme je vous le disais, Evie est réellement fiancée : Mrs. Dorset l’a eue à demeure, à la campagne, avec Percy Gryce, elle a tout manigancé, et Grace Van Osburgh est au septième ciel… Elle désespérait presque de marier Evie…

Mrs. Peniston s’arrêta de nouveau. Cette fois, ce ne furent pas ses meubles qu’elle interrogea du regard, mais sa nièce.

— Cornelia Van Alstyne était si étonnée ! Elle avait entendu dire que vous alliez épouser le jeune Gryce… Elle avait vu les Wetherall juste après le séjour qu’ils avaient fait avec vous à Bellomont, et Alice Wetherall était convaincue que vous étiez tous deux fiancés. Elle a raconté que, lorsque M. Gryce partit inopinément, un matin, ils s’imaginaient tous qu’il était allé en ville chercher la bague.

Lily se leva et se dirigea vers la porte.

— Vous avez raison, je suis fatiguée : je crois que je vais me coucher, — dit-elle.

Et Mrs. Peniston, troublée soudain par la découverte que le chevalet où reposait le portrait au crayon de feu M. Peniston n’était pas exactement parallèle au canapé d’en face, présenta un front distrait à son baiser.

Une fois dans sa chambre, Lily tourna le bec de gaz et regarda le foyer. Il était aussi poli et brillant que celui d’en bas, mais ici pourtant elle pouvait brûler quelques papiers : elle risquait moins d’encourir les reproches de sa tante. Toutefois elle commença par n’en rien faire : elle se laissa choir dans un fauteuil et jeta autour d’elle un coup d’œil découragé. Sa chambre était grande et confortablement meublée : elle faisait l’admiration et l’envie de la pauvre Grace Stepney, qui vivait dans une pension ; mais, comparée aux nuances claires et aux garnitures luxueuses des chambres d’amis où Lily passait tant de semaines de son existence, elle semblait aussi lugubre qu’une prison. La monumentale armoire et le lit en noyer noir avaient émigré de la chambre à coucher de M. Peniston, et le papier velouté, d’un rouge faux, et d’un dessin cher aux appartements de 1860, portait de larges gravures sur acier d’un caractère anecdotique. Lily avait tenté de mitiger ce décor sans charme par quelques « notes », un peu plus frivoles, par une table à toilette drapée de dentelles et un petit bureau peint, sur-