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CE QUI TUE LES RÉPUBLIQUES.

jeter brusquement toutes les institutions, tout ce qui était le présent, dans le creuset de la réforme violente.

En trois siècles, un être prodigieux a fondé la société chrétienne, et on en a conclu qu’il était vraiment Dieu ; en quelques mois, des hommes n’avaient pas changé la face du monde ; elle en concluait qu’ils étaient des criminels !

Écouté parfois, oublié bientôt, ce parti comprit qu’il ne fallait pas se fier au hasard des passions inconstantes, qu’il fallait une organisation à son action désorganisatrice, qu’il fallait circonvenir les masses, les isoler, les aveugler, que le désordre devait avoir des institutions.

Les clubs, les journaux, les pamphlets lui furent autant de tribunes dont il s’empara pour pervertir lentement ces intelligences sans défense, obligées d’accepter sans discussion ce qu’elles ne pouvaient approfondir. L’influence sur le quartier Saint-Antoine en fut désastreuse. D’une classe laborieuse, héroïque, qui avait été le meilleur rempart de la liberté, d’incessantes prédications firent ces malheureux qu’on avait déshabitués du travail, détournés de l’atelier (nous le verrons tout à l’heure), pour les conduire désespérés sur les barricades de l’insurrection.

« Les Clubs ont fait tout ce mal », disait Arago.

« On nous trompe, disaient des ouvriers à Lamartine : nous n’avons pas le moyen d’acheter ces grands journaux qui disent la vérité ; on nous en donne gratis qui nous distribuent le mensonge. »

Peu à peu cette sourde conspiration devint un État dans l’État. Le Club des Clubs était le centre d’où son action se répandait au loin dans les classes souffrantes. Il avait ses caisses, ses agents, son armée qu’il payait, ses arsenaux. L’insurrection de Juin amena la découverte d’une manufacture de poudre rue du Chantier. Il avait inondé la France de ses agents qui recrutaient parmi les ouvriers sans ouvrage ou les travailleurs occupés qu’on arrachait à leurs travaux.

Le Club des Clubs toucha par l’intermédiaire de Longepied 103 000 francs ; cet argent, pris dans les caisses de l’État, soudoyait les agents de cette vaste conspiration. Il était arrivé à former une société dont les statuts reposaient sur la renonciation complète à tous les droits du citoyen, de discuter sa