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en rentrant du club… Allons, venez, je vous donnerai une goutte d’eau-de-vie, et vous pourrez vous rôtir devant le feu et essayer mes nouvelles cigarettes égyptiennes… Ce petit Turc de l’ambassade m’a fait connaître une nouvelle marque : il faut que vous y goûtiez, et, si vous les aimez, je vous en ferai venir : on ne les trouve pas encore ici, mais je câblerai.

Il la conduisit, par toute la maison, vers une grande pièce, située à l’arrière, où Mrs. Trenor se tenait d’habitude et qui, même en son absence, conservait un air d’être habitée. Il y avait là, comme de coutume, des fleurs, des journaux, une table à écrire en désordre, — un aspect général d’intimité éclairée, si bien que c’était une surprise de ne pas voir la figure énergique de Judy se dresser de son fauteuil, près du feu.

C’était apparemment Trenor lui-même qui avait occupé le siège en question, car il y avait au-dessus un nuage de fumée de cigare et, tout auprès, une de ces tables pliantes compliquées, que l’ingéniosité anglaise a imaginées pour faciliter la circulation du tabac et des liqueurs. Des appareils de ce genre dans un salon n’avaient rien d’extraordinaire dans la coterie de Lily, où le plaisir de fumer et de boire n’était restreint par aucune considération de temps ni de lieu, et son premier geste fut de prendre une des cigarettes recommandées par Trenor, tandis qu’elle coupait court à sa loquacité en lui demandant avec un regard surpris :

— Où est Judy ?

Trenor, un peu échauffé par le flux inusité de ses paroles, et peut-être aussi par un compagnonnage trop prolongé avec les flacons, se penchait sur eux pour en déchiffrer les étiquettes d’argent :

— Voilà, Lily… rien qu’une goutte de cognac dans un peu d’eau de Seltz… Vous avez l’air vraiment gelée, vous savez : je jurerais que vous avez le bout du nez rouge… Je vais prendre encore un verre pour vous tenir compagnie… Judy ?… Ah ! voilà… Judy a une terrible migraine… elle est complètement terrassée, la pauvre… elle m’a prié de vous expliquer… enfin d’arranger tout… Mais venez donc près du feu : vous avez l’air tout à fait éreintée… Là, laissez-moi vous installer confortablement, soyez gentille…

Il lui avait pris la main, plaisantant à demi, et l’entraînait