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— Mon ami, — lui dit-elle une fois, — tu seras moins riche, que m’importe ? Ai-je besoin de tout ce luxe que tu m’offrais ? Nous irons le long de ce ruisseau auprès duquel tu désirais vivre l’été dernier, un ruisseau où il n’y aura pas de télégraphe, et nous serons heureux encore.

Il l’écoutait, fermait les yeux, comme pour suivre un rêve. Mais ce qui lui apparaissait, ce n’était pas l’humble paysage évoqué par la petite Louise, c’étaient les mirages fuyants de ses visions magnifiques qui se dissipaient… Une autre fois, comme il semblait dans un grand abattement, elle le supplia de reprendre tout ce qu’il lui avait donné, ses bagues, ses broches, son collier, et tous les billets que Félicité avait transformés en titres de rente. Fernand la prit sur ses genoux, l’embrassa très doucement, et tristement lui dit :

— Il y avait une fois une petite fille qui, pour que la mer ne tarit pas, avait imaginé d’y porter de l’eau dans un dé à coudre.

Chez elle, Louise remarqua aussi que l’on s’inquiétait. Félicité la questionnait, voulait savoir si le baron Epstein parlait de ses affaires.

À la fin de janvier, les choses s’aggravèrent encore ; les cours se mirent à baisser d’une façon régulière, continue et sûre. Ce n’étaient même plus les convulsions qui trahissent encore la lutte pour la vie, c’était l’épuisement et l’agonie. Chaque jour marquait un pas nouveau vers le désastre final, inévitable.

Février n’amena pas de relèvement, et, quand approcha mars, Fernand se demanda comment il ferait face à la liquidation, et si sa clientèle, fatalement entraînée par lui, ne se déroberait pas lors des paiements.

En ces moments terribles, il rencontrait encore Louise, mais elle lui semblait vague, à peine distincte, une petite mouette blanche au milieu de la tempête. Et cependant, chaque soir, elle venait lui dire qu’elle était là, anxieuse, fidèle.

Le 5 mars, elle l’attendit jusqu’à sept heures et demie. Alors, agitée de sombres craintes, elle rentra, espérant un mot de lui chez elle.

Elle ne trouva rien, et comme, instinctivement, ses yeux erraient sur un journal du soir, en une lueur d’éclair elle vit aux dernières nouvelles :