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Lorsqu’il répondit, ce fut en ces termes[1] :

— Il y avait bien un mois que Paul de Larisse et moi cherchions à pénétrer au château de Macella pour saisir une occasion de parler à l’un des deux princes, mais jamais ils ne sortaient sans escorte et l’on n’ouvrait les tours de la forteresse à personne. Nous allions quitter la Cappadoce et revenir à Daphné vous rendre compte de nos essais inutiles, lorsqu’un jour, en marchant dans les rues de Nicomédie, nous vîmes les chrétiens entrer dans leur église et nous les suivîmes pour les observer. On nous dit que pour la première fois les deux neveux de Constantin l’apostat allaient remplir leur office de lecteurs[2]. Paul frémissait et s’arrêta sur le seuil, s’appuyant aux premières colonnes ; et n’osant offenser les Dieux en mettant le pied dans le temple du Nazaréen.

Ici Basile de Césarée se tourna vers moi :

— Paul de Larisse, — dit-il, — avait à peine dix-sept ans. C’était un des esclaves de Libanius, acheté à l’âge de deux ans dans la ville de Larisse en Thessalie à des Hébreux vos frères. Libanius l’a élevé parmi nous, il a attaché à son front les ailes de Platon, et vraiment il a pris aussi son vol. Il a écrit avec une grande sagesse dès l’âge de quinze ans, son éloquence est plus forte souvent que celle d’Iamblique et de Maxime lui-même. Il a lutté avec Athanase, et ses actions et ses propos ont plus de beauté et de perfection encore que ses écrits. Il n’a jamais voulu être affranchi, et tu vas savoir comment nous avons cessé de le voir et d’entendre parler de lui.

» Comme il me retenait à l’entrée du temple, je lui dis :

» — Crains-tu d’offenser Théia, la mère du Soleil, en te mettant à l’ombre

» — Non, — me dit-il, — mais je crains-de voir crouler ce temple sur ces impies. Regarde-les !

  1. Ici de la main de Vigny, ce titre : Ce que dit Basile de Césarée.
  2. Les lecteurs, dans l’Église, constituent le deuxième des quatre ordres mineurs. À l’origine, les clercs qui en étaient revêtus étaient chargés de faire les lectures dans les cérémonies du culte, et servaient de secrétaires aux évêques.