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ainsi que tous les assistants vers une tribune placée au pied d’une colonne, et qui avait au-dessus d’elle une autre tribune plus petite. Dans la plus élevée monta un vieillard chauve, dans la plus basse vinrent deux adolescents. L’ainé était Gallus, le second Julien. Gallus était dès lors ce qu’il a toujours été. Sa taille était élevée et mal prise comme s’il eût trop vite grandi, son teint pâle et blafard comme celui de Constance Chlore son grand-père, ses regards éteints, sa voix étouffée. Il lut rapidement et en balbutiant une homélie que je crus reconnaître pour l’œuvre d’Athanase à l’emphase du discours, et il se hâta de s’asseoir derrière son frère sans que personne eût pu entendre autre chose de son oraison que quelques phrases brisées par ses bégaiements. Julien s’avança. Il avait été ordonné lecteur de l’Église en même temps que son frère ; mais, plus ardent dans sa piété, il s’était fait tonsurer, et il était moine. Revêtu de la robe noire, la tête rasée, les yeux baissés, les bras croisés sur la poitrine, il se jeta à genoux sur le bord de la chaire et demeura longtemps enseveli dans ses méditations. Il parut pénétré d’une adoration profonde et il oublia longtemps l’assemblée qui le regardait avec curiosité. Ensuite il se releva tout d’un coup, étendit ses bras en croix et, levant ses yeux au ciel, il prononça une prière en langue latine à la Vierge Deipara.

Ici le jeune Jean sourit légèrement, et Libanius, interrompant Basile de Césarée, lui dit avec gravité :

— Ce qui te fait sourire est beau et vraiment divin, enfant ! De quoi t’étonnes-tu ? N’as-tu pas toute la vie appris et enseigné que la Vénus terrestre est fille de Jupiter et de Diane, et Diane n’est-elle pas ainsi la Vierge-Mère ? Vois Joseph Jechaïa : il est juif, et il a écouté, avec une attention plus exaltée, plus sérieuse et plus digne des choses sacrées qui nous occupent.

Jean rougit un peu, baissa les yeux et s’inclina avec vénération. Nous redoublâmes de recueillement, et Basile de Césarée continua, après avoir humecté ses lèvres du vin noir de Pramnie mêlé d’eau de mer.

— Le moine adolescent, le religieux Julien prononça cette prière avec une ferveur si grande qu’il semblait prêt à s’enlever au ciel. Paul de Larisse l’écoutait avec douleur, et comme il s’appuyait sur mon bras, je le sentais trembler.