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d’obliques regards. Un rire prompt et ironique agrandissait quelquefois démesurément sa bouche, puis il reprenait l’air et l’attitude de la méditation et se préparait à prendre la parole dans un discours bref, qu’il commença tout à coup d’une voix enrouée, en roulant et remuant des feuilles de papyrus dans ses doigts :

« — Voici, — dit-il, en montrant ces lettres, — une épitre de l’évêque Athanase d’Alexandrie qui déclare que son esprit se fatigue à méditer sur la divinité du Verbe, qu’il sent ses efforts repoussés par une résistance invincible, et que plus il réfléchit, moins il comprend. Preuve nouvelle que la sagesse et la vérité sont dans la doctrine d’Arius. Alexandrie même va le reconnaitre, et ce que pense le divin Auguste Constance qui règne sur l’Empire va être aussi la pensée du monde, comme elle est la nôtre dans cette église. »

» Je remarquai une grande pâleur sur la figure de Julien que nous ne perdions pas de vue. En cet endroit et dès son début, l’évêque Aëtius s’arrêta tout à coup, ayant besoin de reprendre des forces pour ce qu’il allait dire, et reculant comme un sauteur habile devant le plus large fossé qui lui reste à franchir. Avec une volubilité de langage digne des parleurs des rues d’Athènes, il reprit en un moment et résuma toutes ses anciennes disputes les plus glorieuses, avec autant d’orgueil qu’en met un conquérant à nommer ses champs de bataille.

« — Honorons à jamais le nom d’Arius, — dit-il d’abord, — car lorsqu’il n’avait pour disciples que deux évêques d’Égypte, sept prêtres, douze diacres et sept cents jeunes vierges, il était aussi courageux que lorsque l’Empereur le vint recevoir à pied et le déclara maître de la foi chrétienne bien comprise. Le concile de Nicée n’a rien changé à notre doctrine. L’Empereur et l’Impératrice Eusébie la Grande sont Ariens ainsi que nous. Quoique nos grands chemins soient couverts de troupes d’évêques qui parcourent les provinces pour se rendre aux synodes, qu’ils épuisent les chevaux de poste et se fatiguent inutilement, ils sont un objet de moqueries universelles, et c’est tout leur succès. Dans toute conférence ils ont été vaincus. Enfin, l’Homoousion est détruit !

» Un murmure d’approbation sorti de tous les cœurs de l’assemblée nous surprit beaucoup. Car cette multitude exercée