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ment mais avec indifférence, et passèrent en parlant entre eux.

Paul leur cria :

— Allez adorer Sérapis et Jésus, et ce soir vos danseurs !

À ce mot, ils murmurèrent, mais ils passèrent, haussant les épaules, et quelques-uns rirent avec de grands éclats.

Ces hommes d’Antioche marchaient avec mollesse et plusieurs d’entre eux conduisaient leurs sœurs adoptives pompeusement parées et chargées d’ornements païens et chrétiens, portant dans leurs cheveux la croix d’or et la gerbe d’or de Cérès-Déo, indifféremment mêlées.

Vinrent après eux les Barbares nouvellement chrétiens, attroupés en grand nombre. Ceux-là tenaient élevée une lourde et grande croix de bois qu’ils venaient baiser tour à tour, en marchant, et s’arrachaient les reliques de saint Babylas, en se partageant son manteau. Une animation extraordinaire brillait dans leurs yeux ; ils versaient de véritables larmes et se frappaient la poitrine avec violence, en déplorant à haute voix la passion de Jésus comme si elle était d’hier, et célébrant en paroles confuses le martyre de Babylas qu’ils nommaient une passion secondaire, une rédemption diminuée ; ils obéissaient, en poussant de grands élans de piété, à un moine de petite taille, caché et comme enseveli au milieu d’eux, et répétaient à grands cris ses paroles. Leurs figures étaient stupides et féroces ; leurs yeux à demi fermés, relevés et comme endormis et alourdis par un sourire imbécile, regardaient cependant de toutes parts comme pour chercher des ennemis ; leurs longs cheveux roux, jaunes et chargés d’huile et de poussière, couvraient leurs épaules et les rendaient semblables à ces statues d’Égypte qui ont le corps d’un homme et la tête d’un lion. Une secrète horreur me saisit en voyant cette foule robuste survenir, et je sentis à leur odeur le même frisson qui se fait sentir à tous les êtres créés lorsque viennent les bêtes du désert. Paul de Larisse frappa des mains, comme saisi de joie à leur vue. Il embrassa une des colonnes blanches du temple et cria :

— Apollon conducteur, Apollon, tu les amènes pour moi !

Puis il ouvrit sa tunique blanche, s’avança au grand jour, découvrit sa poitrine à la lumière du soleil et, debout sur la plus haute des marches du temple, il leur dit :