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Page:Revue de Paris - 1913 - tome 5.djvu/844

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AU PAYS DES PIERRES[1]


XXIV


Cet été appartenait à Jella.

Ils se rencontraient chaque jour dans la forêt.

Sous les arbres, l’ombre était pleine d’argent ailé : de petits insectes bourdonnaient dans la grande chaleur. Les trains passaient en haletant sur la crête des montagnes. Ils s’enfonçaient dans l’air dur et cristallin, et leur fumée se voyait longtemps dans le lourd éclat jaune du soleil, comme le sillon d’une grande hélice. Jella se retournait toujours pour regarder lorsqu’elle entendait un train sur le talus. Elle s’arrêtait sur le flanc de la montagne et faisait des signes avec son mouchoir, ce qui ne lui était jamais arrivé jusque-là. En bas, les petites fenêtres fuyantes lui répondaient par des flottements blancs. Et elle souriait à des mains, à des gens inconnus, qu’elle ne devait jamais plus revoir.

Les sourires venaient de l’intérieur de son être et ils étaient si forts et si grands qu’elle devait les distribuer à tout le monde.

Au delà des sapinières, du côté des tournants invisibles, le halètement des trains se répercuta encore. Près de la voie, la barrière blanche se leva.

  1. Voir la Revue du 15 septembre et 1er octobre.