Page:Revue de Paris - 1921 - tome 3.djvu/491

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
489
l’élève

— Je vois, je vois, — tout en caressant les rondeurs de son menton.

Elle ne semblait embarrassée que par le choix à faire entre tant de remèdes faciles à la situation. Si la famille ne se décida pas à partir, M. Moreen, lui, tout au moins, s’arrangea pour disparaître pendant plusieurs jours. Pendant son absence, sa femme reprit spontanément le sujet, mais seulement pour dire qu’elle s’était tout le temps imaginé que tout allait très bien. En réponse à cette révélation Pemberton déclara qu’à moins de recevoir immédiatement un acompte, il quitterait la famille sur l’heure et pour toujours. Il savait qu’elle se demanderait comment il pourrait partir et il s’attendit un instant à ce qu’elle s’en enquît. Elle n’en fit rien, ce dont il lui fut presque reconnaissant tant il eût été peu à même de lui répondre.

— Non, vous ne le ferez pas ; vous savez bien que non. Vous vous intéressez trop à nous, — dit-elle, — mon bon, mon cher ami.

Elle rit avec un air malicieux où il y avait presque du reproche, mais sans insister et en agitant devant lui un mouchoir sale.

Pemberton était bien décidé à quitter la maison la semaine suivante. Cela lui donnerait le temps de recevoir une réponse à une lettre qu’il avait envoyée en Angleterre. Et, si en l’occurrence il n’en fit rien, c’est-à-dire s’il resta encore une autre année et ne s’absenta que trois mois, ce ne fut pas seulement parce que, avant que la réponse à sa lettre fût arrivée — réponse d’ailleurs fort peu satisfaisante — M. Moreen lui compta généreusement trois cents francs en belles espèces sonnantes (et cette fois encore avec tout le respect de la forme qui convient à un parfait homme du monde). Pemberton était irrité de constater que Mrs Moreen avait raison et qu’il ne pouvait pas, au moment de prendre un parti, supporter la pensée de quitter l’enfant. Cela lui apparaissait d’autant plus clairement que, le soir de son appel désespéré à ses patrons, il avait pour la première fois bien compris la situation. N’était-ce pas une autre preuve du succès avec lequel les Moreen pratiquaient leurs artifices que ce fait d’avoir réussi à empêcher si longtemps l’éclair révélateur ? Cet éclair impressionna notre