Scène VI
Le Duc entre et jette son épée sur le lit. Il s’approche de la cheminée, et, pendant ce temps, Lorenzo prend l’épée et attache le ceinturon à la poignée pour la rendre impossible à dégainer.
Que fais-tu donc ?
Je cache votre épée sous votre chevet. Il est bon d’être toujours prêt à se défendre dans ces sortes d’aventures[1]. Mais il ne faut pas que la femme, pour qui l’on s’expose, se doute qu’on a pu distraire d’elle une seule pensée pour sa propre sécurité.
Crois-tu donc qu’il y ait quelque chose à craindre ici ?
D’ici à quelques heures, je ne vois dans la maison que moi qui pourrais troubler votre repos.
En ce cas, tu me permettras d’être tranquille. Je connais ta valeur. – Ah ! ce bon feu m’a ranimé. J’étais transi de froid. (Il se débarrasse de son manteau.) Ah ! çà, dis-moi, tu sais que je n’aime pas à lutter de sémillants propos avec les femmes. On dit que la Catterina est belle parleuse et versée dans les lettres. Moi, la poussière des bouquins me prend à la gorge, et je ne sais pas faire l’amour avec des métaphores. Préviens-la, je te prie, qu’elle ne s’attende pas à des fadeurs et qu’elle me fasse grâce de cette feinte résistance, dont je ne puis pas être dupe, moi qui connais toutes les ruses d’usage.
Catterina sait qu’elle ne doit pas s’attendre à être humblement implorée, comme si elle avait affaire à un page ou à un poète. Je
- ↑ Cf. Musset, Lorenzaccio, acte IV, sc. xi :
LE DUC
(Il ôte son épée.) Eh ! bien, mignon, qu’est-ce que tu fais donc ?
LORENZOJe roule votre baudrier autour de votre épée et je la mets sous votre chevet. Il est bon d’avoir toujours une arme sous la main.
(Il entortille le baudrier de manière à empêcher l’épée de sortir du fourreau.)