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Solange. — Tiens vois donc, ma mignonne, qu’est-ce que c’est ce livre-là ? Je l’ai trouvé dans les épluchures au grenier.

— Ah mon Dieu ! mes pensées d’il y a deux ans aux épluchures ?

Solange. — Ah ben, mignonne, donne-moi-le pour faire des bonshommes.

— Des bonshommes, malheureuse enfant ? des bonshommes sur mes pensées de l’année 1837 ?

Solange. — Ah ! c’est donc fait comme ça des pensées ?

quelqu’un (d’un air judicieux).

Ni plus ni moins !

Solange. — Ah ben, mignonne. Donne-moi le, pour écrire mes pensées. J’ai des pensées, moi, je veux les écrire.

— Ce n’est pas vrai, tu n’en as pas.

Solange. — Si fait.

— Dis-en donc une.

Solange. — Je t’aime.

— Et puis encore ?

Solange. — J’aime pas l’histoire grecque.

— Et encore.

Solange. — J’ai faim.

— Encore.

Solange. — Veux-tu que j’aille jouer au jardin ?

— Va ! voilà assez de pensées pour un jour,

piffoël, seul.

(Il est dans sa chambre dans la même robe de chambre qu’en l’année 1837, couché sur le même sopha, vis-à-vis la même table et sa plume continue à n’être pas taillée).

monologue.

Puisque mon cahier est retrouvé, je vais reprendre mon Journal. À la vue de ce dernier, il me vient un tas de pensées.

Le spectre de Buloz se dessine dans un rayon de soleil qui pénètre par la jalousie. Piffoël est en proie à la plus affreuse agitation.

piffoël. — Dieu, quelle horrible vision. Retire-toi, fantôme épouvantable !

le spectre. — Quarante mille…

piffoël. — Ah ! je connais ton motif, toujours la même sen-