Page:Revue de Paris - 1932 - tome 6 - numéro 23 (extrait).djvu/13

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des fauves, et voyant que les débardeurs commençaient à s’y installer tout de bon, avec couvertures, oreillers et marmites, il vint en personne assister à la formation des équipes traîtresses, que les vatafs tentaient d’organiser. On fit appel à tous ceux qui voulaient travailler, et on fut étonné du nombre des hommes qui vinrent s’inscrire, mais dès que les « postes » amorcèrent le travail, brusquement, des coups de sifflet retentirent de toutes parts, et l’on vit alors des ouvriers précipiter dans le Danube d’autres ouvriers, les vatafs en tête et les sacs de blés par-dessus ces baigneurs forcés.

Aucune arrestation ne put être faite, les auteurs du coup ayant instantanément disparu dans la foule.

On en était là le mercredi avant midi, quand un événement imprévu vint renforcer le courage des grévistes, et affaiblir celui des autorités. Les murs de la ville furent couverts d’affiches, portant le texte suivant, en gros caractères :

Travailleurs des villes danubiennes !
Lisez dans le journal Dimineata,
à partir de demain jeudi 2 octobre :
LES SANGSUES DE NOS PORTS
par adrien zograffi,
ancien débardeur dans le port de Braïla,
qui décrit la dure existence des esclaves du sac
et dévoile la cruauté de leurs exploiteurs.

Suivait l’énumération de quelques sous-titres de la série d’articles. Et dans Dimineata du même jour, un éditorial fulminant, signé par Constantin Mille, sommait le gouvernement de mettre immédiatement en liberté les deux détenus, dont l’un était le secrétaire de l’organisation syndicale et l’autre, « le correspondant même du journal ». La tentative des « stupides autorités locales » de mêler ces hommes à l’affaire d’un attentat dont on connaissait l’auteur, était une « provocation policière de la plus basse espèce ». Elle pouvait aboutir à des « conflits sanglants » qu’il fallait éviter à tout prix. Les travailleurs ne demandent que la suppression des vatafs, « leurs sangsues ». Si la politique ne s’évertuait à soutenir