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Page:Revue de l'Orient, de l'Algérie et des colonies, Tome 3, 1848.djvu/320

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raient peut être le temps de sortir de crise. L’épreuve, d’ailleurs, ne nous semble offrir aucun danger.

Tel est l’ensemble des lois et institutions propres, selon nous, à compléter l’œuvre de l’émancipation, à organiser le travail libre, à procurer aux colonies les bras qu’exige la production, à ménager pour les noirs comme pour les blancs, la transition du régime d’esclavage au régime de liberté.

L’exécution de ces diverses mesures impose au gouvernement une ferme résolution et en même temps une sage prudence. Elle exige aussi de grandes ressources financières. Notre sollicitude sur les conséquences de l’émancipation serait moins vive si l’argent se trouvait à la même source que la fermeté et la sagesse, s’il se puisait dans le patriotisme.

Détruire un vieil ordre de choses, fonder une société nouvelle, enter la liberté sur l’esclavage, l’égalité sur des préjugés presque barbares, la fraternité humaine sur une haine invétérée de races — œuvre admirable assurément quand on la contemple par la pensée, mais qui ne saurait être accomplie par la seule vertu d’un décret. Il faut (c’est le destin de toute grande œuvre) qu’elle s’achète au prix de lourds sacrifices et avec le temps, qui malheureusement ne s’escompte pas.

Nous donnons aux noirs la liberté ; combien d’années s’écouleront avant que cette liberté soit pour eux autre chose que le témoignage de notre tardive justice, qu’un droit stérile !

Nous travaillons à sauver les intérêts des colons, à leur rembourser le prix d’un héritage contraire aux lois de la nature, mais autorisé par une coupable tolérance des siècles passés. Et cependant, après tant de sacrifices, nous ne pouvons espérer de rendre aux colons ce qu’ils ont perdu.

Jamais acte de justice n’aura coûté plus cher à ceux qui l’ont accompli. Mais devons-nous le regretter ?


Nous voici arrivés au terme de notre tâche. Nous n’oserions espérer d’avoir pu, dans un si court délai et dans un cadre aussi restreint, poser les bases et présen-