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demnité pour cet état social qu’elle a toléré et qu’elle supprime, elle la doit bien sans doute à ceux qui en ont souffert autant qu’à ceux qui en ont profité. Le dédommagement ne peut pas être donné à la propriété exclusivement ; il doit être assuré à la colonie tout entière, afin de tourner en même temps au profit et du propriétaire et du travailleur. C’est en ces termes que la commission pose la question ; elle n’a point à la résoudre.»

On a depuis plusieurs années discuté maintes et maintes fois, dans les journaux et dans les livres, la question de l’indemnité ; mais assurément la commission peut revendiquer le mérite d’avoir trouvé un point de vue tout nouveau, et nous doutons fort que les colonies et les ports apprécient la largeur de ses vues. Comment ! elle admet que le crime de l’esclavage a été celui de l’État lui-même et elle ne reconnaît pas le titre de propriétaire au colon qui, en vertu et sous la garantie des lois, a jusqu’ici possédé des noirs ! Nous ne voyons pas pourquoi les colons seraient tenus de payer seuls le crime de l’État ; et, indépendamment de cette première iniquité, sur quelles bases doit donc s’appuyer le droit de propriété, sinon sur les lois, faites par l’autorité qui gouverne ? Nous déplorons autant que la commission, autant que personne, le crime social dont l’État s’est rendu coupable il y a deux siècles, en autorisant, en encourageant, en soumettant à des règlements spéciaux une propriété contraire aux sentiments de justice et de morale ; nous saisissons avec empressement l’occasion d’en affranchir notre société, et nous saluons l’ère de liberté pour les nègres ; mais si cette révolution, ou plutôt cette réparation pouvait s’accomplir sans blesser des droits acquis, des intérêts consacrés par le temps et par les lois, il semble que cela ne gâterait en rien la restitution que nous faisons aux nègres de leur liberté et de leurs droits naturels, et nous ne serions pas moins justes à l’égard des noirs en traitant avec justice les blancs.

La commission pense qu’une indemnité serait due tout aussi bien à ceux qui ont souffert de l’esclavage qu’à ceux qui en ont profité. — Mais ces mesures tutélaires que vous décrétez avec raison en faveur des noirs, ces soins paternels dont vous les entourez et auxquels cha-