tère de contrainte ; elle ne partage donc pas l’opinion émise dans le rapport de la Société orientale sur la nécessité, ou au moins l’utilité d’un système transitoire qui concilierait autant que possible les devoirs et les droits de la liberté. Sans aucun doute, le point de vue auquel s’est placée la commission du ministère de la marine est le plus large et le plus libéral ; mais nous doutons qu’il soit préférable dans la pratique. Il faut bien le dire, même chez les races blanches, le mot liberté n’a point encore partout la même signification, le même sens. Il y a, sinon dans le principe, du moins dans l’exercice de la liberté, des degrés malheureusement nécessaires, et si nous voulions à notre tour faire usage de comparaisons érudites à l’exemple de M. Schœlcher, qui rappelle l’esclavage dans l’empire romain à propos de l’esclavage dans les colonies modernes, nous pourrions assurément trouver dans l’histoire du monde entier, dans la vie de tous les peuples, la trace irrécusable et universelle de ces transitions qui ont précédé fatalement les époques de liberté. Mais laissons là l’antiquité et voyons les faits actuels. Est-il permis d’espérer que le nègre élevé dans l’esclavage, adulte aujourd’hui, comprenne dès le premier jour, sans préparation, sans instruction préalable, les obligations de la liberté ? Croit-on que les notions de travail, les instincts de propriété et d’ordre se développeront en lui comme par enchantement, par la seule vertu d’un mot magique, dont le sens réel, dont l’interprétation sociale lui échappe entièrement ? En un mot, le nègre travaillera-t-il dès qu’il sera libre ?
Il nous semble qu’il suffit d’avoir entrevu seulement les colonies pour être convaincu que l’oisiveté, le vagabondage et tous les maux qui en découlent seront le résultat immédiat et inévitable d’une émancipation complète, d’une liberté brusque, dont une organisation transitoire, plus ou moins longue, n’aura point préparé la pratique et expliqué le sens.
C’est entendre fort mal, selon nous, les intérêts des nègres que de les lancer subitement dans les voies de la liberté.
