Page:Revue de l'Orient Chrétien, vol. 13, 1908.djvu/298

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Israélites), mais ils n’ont contraint personne, ceux qui l’ont voulu ont seuls péché avec elles ; les autres furent irrités et, après les menaces, en vinrent au meurtre[1]. Voilà comme il faut agir avec les pensées. Le frère répondit au vieillard : Que ferai-je donc ? car je suis faible et les passions me dominent. — Il lui dit : Observe-les et lorsqu’elles commencent à parler, ne leur réponds pas, mais lève-toi et prie ; agenouille-toi et dis : Fils de Dieu, aie pitié de moi. Le frère lui dit donc : Je médite bien, père, mais je n’ai pas de componction dans mon cœur, car je ne saisis pas la force de la parole. — Il lui dit : Médite toujours ; car j’ai appris que Poemen et beaucoup de pères ont dit que le charmeur ne saisit pas la force des paroles qu’il prononce, mais l’animal l’entend, comprend, se soumet et s’humilie. Il en est de même de nous : bien que nous ne sentions pas la force des paroles, les démons qui les entendent s’éloignent avec crainte.

185. — Les vieillards disaient[2] : Les pensées impures sont (comme) un livre : S’il vient semer chez nous, mais que nous le rejetions loin sans l’écouter, il se désagrège au bout de peu de temps[3]. Mais si nous prenons plaisir à sa présence (à le lire) comme si nous l’approuvions, il deviendra bientôt comme du fer (dans notre esprit) et en sera difficilement extirpé. Pour ces pensées il faut donc faire la distinction (suivante) : Ceux qui leur cèdent n’ont pas d’espoir de salut, mais la couronne (de victoire) attend ceux qui leur résistent.

186. — Deux frères combattus par l’impureté allèrent prendre des femmes[4], enfin ils se dirent : Qu’avons-nous gagné à quitter la cohorte angélique et à venir dans cette ignominie, pour tomber plus tard dans le feu et dans la punition ? Retournons au désert et faisons pénitence. Ils allèrent demander aux pères de leur imposer une pénitence et confessèrent ce qu’ils avaient fait. Les vieillards les enfermèrent pour une année et leur donnèrent à chacun même mesure de pain et d’eau. Ils avaient à peu près le même extérieur. Lorsque leur temps de pénitence fut terminé, ils sortirent, et les pères virent que l’un était pâle et morne tandis que l’autre était prospère et joyeux ; ils furent dans l’étonnement puisque leur nourriture avait été la même. Ils interrogèrent le morne et lui dirent : Comment t’entretenais-tu avec tes pensées dans ta cellule ? Il répondit : Je pensais aux fautes que j’ai commises et à la punition que j’ai encourue, et la crainte collait ma chair à mes os. — Ils demandèrent à l’autre : Et toi, que pensais-tu en ton cœur dans ta cellule ? Il leur dit : Je remerciais Dieu qui m’a arraché à l’impureté du monde et à la punition et qui m’a conduit dans cet état angélique ; j’étais plein de joie en songeant à Dieu. — Et les vieillards dirent : La pénitence de chacun d’eux est égale devant Dieu.

  1. Nombres, xxv.
  2. M, 882, n° 33 ; Coislin 127, fol. 93.
  3. Il s’agit du papyrus, comme le porte explicitement le latin, et non du parchemin.
  4. M, 882, n° 34 ; Coislin 127, fol. 93 ; Paul, 18 ; B, p. 670, n° 591 ; mss. grecs 919, fol. 155, et 1596, fol. 327 ; L, fol. 18.