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Page:Revue de l'Orient Chrétien, vol. 13, 1908.djvu/70

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DE LA TEMPÉRANCE.


144. — Une fois[1], à Scété, on donna une coupe de vin à un vieillard. Il la rendit en disant : Enlevez-moi ce (poison) mortel. À cette vue, les autres qui mangeaient avec lui ne la reçurent pas non plus.

145. — Un frère[2] eut faim dès le matin et combattit avec sa pensée pour ne pas manger avant la troisième heure. À la troisième heure, il s’obligea à attendre la sixième, puis il brisa le pain et s’assit pour manger ; mais il se leva encore et dit à sa pensée : Attendons jusqu’à la neuvième heure. La neuvième heure arriva, il pria et vit la force (de la tentation) qui montait, comme une fumée, de son travail manuel, et la faim le quitta.

146. — Le disciple[3] d’un certain vieillard racontait de son abbé que durant vingt ans entiers il ne se coucha pas sur le côté ; mais il dormait assis sur le siège où il travaillait. Il mangeait, ou chaque deux jours, ou chaque quatre jours, ou chaque cinq jours, et cela durant vingt ans. Lorsqu’il mangeait, l’une de ses mains était étendue en prière et il mangeait de l’autre. Je lui dis : Qu’est-ce que cela, abbé, pourquoi fais-tu ainsi ? Il me répondit : Je place le jugement de Dieu devant mes yeux et je ne puis le supporter. Un jour que nous faisions l’office, je m’oubliai et je m’écartai du psaume ; à la fin de l’office, le vieillard me dit : Lorsque je fais l’office, j’imagine qu’il y a sous moi comme un feu brûlant et ma pensée ne peut s’en écarter ni à droite ni à gauche. Où était ta pensée lorsque nous faisions l’office pour que tu en aies oublié le psaume ? Ne sais-tu pas que tu te trouves en présence de Dieu et que tu parles à Dieu ?

Une fois, le vieillard sortit durant la nuit et me trouva couché dans la cour de la cellule ; il pleura sur moi et dit en pleurant : Où est donc la pensée de celui-ci pour qu’il dorme ainsi avec tranquillité !

147. — Un frère alla trouver un vieillard très estimé et lui dit : Je souffre. Le vieillard lui dit : Reste dans ta cellule et Dieu te donnera le repos.

148. — On apporta[4] aux Cellules une jarre[5] de vin comme prémices, afin qu’on la donnât à boire aux frères. L’un des frères montant sur la voûte pour s’enfuir, la voûte tomba, et ceux qui sortirent au bruit le trouvèrent à terre et ils commencèrent à le blâmer et à dire : C’est bien fait, ô ami de la vaine gloire. L’abbé l’accueillit et dit : Laissez mon fils, il a fait une bonne action. Vive le Seigneur ! on ne rebâtira pas cette voûte de ma

  1. B, p. 470, no 78 ; Coislin 127, fol. 77 : « il y eut une fête » ; M, 871, 53.
  2. B, 468, no 69 ; L, fol. 26v. Paul, 87 ; Coislin 127, fol. 77 ; M, 871, 58. Paraphrasé dans M, 740,no 4.
  3. Cf. B, p. 533, no 246 ; Coislin 127, fol. 77v.
  4. B, p. 471, no 79 ; Coislin 127, fol. 77v ; M, 871, 54.
  5. Ce mot manque dans le dictionnaire. Le syriaque porte seulement : « Une autre fois, on envoya des prémices de vin, pour en donner une coupe à chaque frère ».