Page:Revue de l'Orient Chrétien, vol. 8, 1903.djvu/436

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pondrons : Et vous-mêmes, ne dites-vous pas que Dieu a des yeux, des mains, un visage, des jambes, un côté, qu’il s’assied sur son trône après l’avoir quitté, et autres expressions dont la signification propre importe un corps et des sens ?

— J’ajoutai : Les Musulmans nous reprochent encore de dire que Dieu est une substance.

— Ils répondirent : Les Musulmans, à ce qu’on nous dit, sont gens de mérite, de lettres et de science. Or de tels hommes, qui ont lu les ouvrages des philosophes et connaissent la logique, ne peuvent rejeter cette dénomination.

Rien en effet n’existe qui ne soit ou substance ou accident ; car quelle que soit la chose que nous considérions, nous trouvons ou qu’elle subsiste par elle-même, sans avoir besoin d’un autre être qui la tire du néant, et c’est la substance ; ou au contraire que n’ayant pas de subsistance par elle-même, elle existe par le secours d’un autre être, et nous avons l’accident.

En dehors de ces deux espèces d’êtres, il ne peut s’en trouver une troisième. Or l’être le plus noble est celui qui subsiste par lui-même sans le besoin d’aucun autre, c’est-à-dire la substance. Et comme Dieu (dont le nom soit sanctifié !) est ce qu’il y a de plus noble, puisqu’il est cause suprême, il est donc nécessairement ce qu’il y a de plus sublime dans les êtres, c’est-à-dire substance. Voilà pourquoi nous l’appelons substance, non toutefois de la même manière que les substances créées. De même aussi nous disons qu’il n’est pas un être comme les êtres créés ; sinon il devrait subsister par le moyen d’un autre être qui le maintiendrait dans l’existence : or que peut-on dire de plus indigne de Dieu ?

— Mais, leur dis-je, les Musulmans nous répondent : Nous refusons de donner à Dieu le nom de substance, parce que la substance est ce qui reçoit l’accident et occupe une place. Voilà pourquoi jamais il n’a été dit que la substance est Dieu.

— Ils me répondirent : Ce qui reçoit l’accident et occupe une place, c’est la substance matérielle. — Quant à la substance immatérielle, ni elle ne reçoit d’accident[1] ni elle n’occupe de place. Telles sont la substance de l’âme, la substance de l’intel-

  1. Ceci n’est pas exact. L’âme humaine et l’ange sont des substances spirituelles, capables de recevoir des accidents.