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90 LA REVUE DE L'ART vices, et des effets sociaux qui sont les conséquences du bon ou du mau- vais gouvernement. On connaît la manière dont Giotto représenta, dans la grande salle du Palazzo del Podesta, à Florence, l'État volé par la foule : en haut, étaient les Vertus qui venaient à son secours ; en bas, les Vices qui tentaient de l'outrager. Ambrogio Lorenzetti élargit la composition allégorique. Giotto enfermait en quelques vers, pourrait-on dire, la signi- fication symbolique du ministre de la Justice déchu, du Malebranche dantesque. Ambrogio Lorenzetti l'exposa en une harangue ample, travaillée et composée. Dans la fresque du Bon Gouvernement, qui s'oppose à celle du Mauvais Gouvernement,il figura, à gauche, la Justice couronnée qui regarde fixement la Sagesse et qui tient les balances ; dans celle de gauche, un petit génie tend une couronne à un homme agenouillé ; dans celle de droite, un second génie coupe la tête à un malfaiteur. De la balance pendent les liens que réunit la Concorde : ils tombent ensuite en ligne droite, traînés par tous les citoyens : ceux-ci s'avancent vers l'État, le Gouvernement, qui roule autour de son sceptre les cordes que tiennent les mains des citoyens. Le solennel vieillard est environné de gardes et de Vertus civiles, comme la Paix, le Courage, la Prudence, la Magnanimité, la Modération et la Justice. Sous ces trois dernières Vertus se tiennent les prisonniers de guerre et les tributaires de la Commune. En somme, ici comme dans d'autres parties des fresques correspondantes de la salle di Nove della Pace, il y a une grande majesté et une véritable éloquence : mais ces symboles et ces pré- ceptes de morale ou de sagesse civique n'ont aucune espèce de rapport avec Pétrarque. Ils constituent un cours figuré de politique intérieure et non un triomphe, appellation que veut leur donner Eugène Mûntz. Déjà maîtres de leurs moyens, les arts représentatifs du XIVe siècle parlaient aux foules avec leurs figures multiples, avec leurs grandioses décorations, avec leurs allégories, non plus timides et desséchées, mais fleurissant de vie nouvelle et prenant corps dans l'imagination populaire. S'il ne faut donc pas citer, à propos des Triomphes de Pétrarque, la représentation didactique de Lorenzetti, on peut encore moins rappeler, à cette occasion, le Triomphe de saint Thomas d'Aquin dans la chapelle des Espagnols à Florence. Ce n'est pas le triomphe, mais la Somme du saint qui est figurée. Le Docteur mystique est assis sur un trône autour duquel volent les sept Vertus théologales : à ses pieds sont Sabellius, Averroès et