Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/233

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192 LA REVUE DE L'ART en l'honneur de son tri-centenaire et crions : hourrah, hourrah, hourrah! » Depuis un demi-siècle la critique a travaillé assidûment sur Rem- brandt, des documents sont sortis des archives qui ont éclairé sa vie; on a reconstitué, classé, son oeuvre. Peu à peu nous avons vu apparaître les visages de ceux qui vivaient autour de lui ; son père, sa mère, sa soeur Lisbeth, son frère Adriaen, ses compagnes Saskia et Hendrikje, son fils Titus, nous sont devenus familiers ; nous pouvons nous figurer son intérieur, presque imaginer sa vie de chaque jour. Sa propre physionomie a fini par se dégager, et il a bien fallu reconnaître qu'il n'était pas tout à fait tel qu'on l'avait pensé d'abord. Dans ces dix dernières années même, de nombreux travaux sont venus préciser nos idées 1. On savait déjà que cet homme avare et quinteux était le plus insouciant des prodigues et un très brave homme, passablement fantasque parce qu'il avait du génie. On s'est aperçu qu'il fallait modifier encore son portrait : que cet «  ennemi des statues antiques et du dessin de Raphaël», non seulement avait sa maison pleine de sculptures antiques, de peintures, de gravures, de dessins des meilleurs maîtres italiens, mais encore qu'il s'en était constam- ment inspiré, et que ce pur Hollandais n'avait jamais cessé d'être un fer- vent italianisant ; que ce génie singulier qui, disait-on, ne devait rien aux autres, et peut-être les méprisait un peu, avait étudié sans relâche les artistes de tous les temps et de tous les pays, leur empruntant un motif, une figure, l'idée d'une composition, non évidemment pour les copier, mais pour s'assimiler les beautés qu'il voyait en eux et en faire une beauté nouvelle. A mesure que nous sommes entrés davantage dans ses méthodes de travail, il est apparu non pas peut - être moins inexplicable — le génie s'explique-t-il ? — mais moins étrange. Ce n'était pas un esprit fumeux, se complaisant à des rêves bizarres et composant ses tableaux comme un sorcier ses sortilèges, c'était un peintre qui, sans doute, aimait par dessus tout la peinture, un amoureux de la nature dont il a toujours humblement pris les leçons. Il avait, cela est certain, des idées profondes, mais rien ne prouve qu'il ait voulu souvent les mettre expres- sément dans ses ouvrages ; il s'efforçait de pénétrer de son mieux le sens 1. Il suffira de citer le Rembrandt de M. Neumarm (1904), l'excellent livre de M. Valentiner, Rem- brandt und seine umgebung (1905), et de rappeler que cette année même, tandis que M. Bode achevait la publication de l'oeuvre peint du maitre, M. Hofslede de Groot réunissait tous les documents le concernant et publiait le premier catalogue critique de ses dessins.