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200 LA REVUE DE L'ART gris et de rouges, dans ces panneaux légers, d'un sentiment si fin et si intime ! Il atteint parfois à la fermeté d'un maître : la Famille attablée de la collection de M. Schloss, son chef-d'oeuvre probablement, n'est pas indigne de Metsu. Si célèbre toutefois qu'ait été l'école de Dou, quels que puissent être ses réels mérites, elle ne représente pas tout l'art leydois. Même on n'y retrouve qu'à l'occasion les traits particuliers qui distinguent Leyde des autres villes de la Hollande. On se rappelle, sans doute, ces tableaux d'Isaak van Schwanenburgh, le père du maître de Rembrandt, où l'allégorie intervient si étrangement pour célébrer le commerce des draps de la ville. Peinture pour négociants, mais qui ont des lettres. Voilà tout Leyde. Ses draps l'enrichissaient, mais c'est de son Académie, où enseignaient les meilleurs maîtres de l'époque, où imprimaient les Elzevier, qu'elle se faisait gloire. Comme Utrecht resta ville épiscopale, Leyde resta ville universitaire: elle se tenait à part de ses commerçantes voisines, je crois bien qu'elle les méprisait un peu. Elle se piquait d'être savante ; aujourd'hui encore elle garde je ne sais quel air doctoral et légèrement pédant; elle parle encore latin, et pour quel usage ! les écriteaux du Rapenburg annoncent toujours les chambres à louer : Cubicula locanda. Dans cette atmosphère toute impré- gnée de science et de lettres, les peintres philosophèrent, moralisèrent, italianisèrent. Ceux qui revenaient de Rome étaient assurés du succès. Quoi qu'on peignît, on le peignait dans un autre esprit qu'ailleurs; on aimait la peinture « littéraire ». Il n'est pas jusqu'aux natures mortes qui ne prétendent à avoir un sens : ce ne sont point, comme à Haarlem ou à La Haye, des argenteries, des fruits, des poissons, — voilà qui est bien insignifiant, — c'est quelque chose de plus noble que des victuailles : des curiosités, des armes exotiques et des fourrures, telles qu'on en voit reproduites avec un art tout rembranesque sur le panneau exposé par Mme Thieme, ou mieux encore, de vieux livres, avec un sablier et un crâne, et ce titre philosophique : Vanilas. Aucun artiste leydois n'échappe tout à fait au goût local des subtilités. On en verrait la trace chez Dou, on la voit chez Rembrandt : personne n'a expliqué les détails du singulier tableau de Rotterdam en l'honneur de la paix de Westphalie, et l'allégorie du Phénix demeure encore une énigme. Je trouverais sans peine de moins illustres