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212 LA REVUE DE L'ART émaciée, avec ses longs cheveux emmêlés, elle est « enveloppée de noirs vêtements ». Sous elle gît un amas de cadavres : pontifes, empereurs, reines, princes, pauvres, serfs et vilains, pêle-mêle sont couchés. Et c'est ainsi que Pétrarque sous la figure de la Mort présente un triste spectacle : «  Et voici qu'à travers la campagne s'étendentles morts en si grand nombre, que ni prose, ni vers ne peuvent les compter. Le milieu et les côtés delà plaine étaient remplis de la multitude de ceux qui, dans la longue suite des temps, ont péri, des extrémités de l'Inde et du Catay, jusqu'au Maroc et à l'Espagne. Il y avait aussi là ceux qu'on appela les heureux : pontifes, rois, empereurs... Tous sont retournés à la grande mère antique ». Après cette fresque de Pise, les commentaires figurés des Triomphes vont se multipliant, mais l'artiste tira profit des coutumes de son temps, des chars triomphaux, des fêtes, pour créer des représentations en rap- port avec son propre talent. Et voici que Pesellino, dans la première moitié du Quattrocento, peignit, sur le célèbre cassone du palais Torneggiani, aujourd'hui propriété de Mrs. Gardner, à Boston, l'Amour sur un char que traînent de blancs chevaux, tirant des flèches, debout sur un globe envi- ronné de flammes : tout autour s'avancent des couples amoureux, les jeunes gens avec des vêtements de fourrure, les jeunes filles avec de longues robes à queue. Les blancs chevaux galopent : le dieu d'amour darde ses flèches ; mais les amoureux marchent lentement, au milieu des pelouses fleuries. Suit la Chasteté, sur un char que tirent des licornes, image de la pureté, suivant une légende rappelée dans le Physiologus, et d'après laquelle ces animaux, en plongeant dans des eaux impures leur longue corne, les rendaient limpides. La Déesse tient un livre et un rameau d'olivier : sur un char est enchaîné Cupidon; ses satellites regardent sans colère la prison: alors survient l'étendard vert, qu'orne cette her- mine dont Pétrarque parait le drapeau des enfants chastes. Ils s'appro- chent d'un arbre dépouillé de tout feuillage, et d'un rocher près duquel se trouve le char mortuaire, que tirent des buffles, et sur lequel se trouve la Mort. Puis vient la Renommée sur un char que traînent des chevaux, avec des figures d'esclaves et de savants : le Temps les suit sur un char auquel sont attelés des cerfs rapides : et enfin vient la Divinité, avec des anges qui adorent et sonnent de la trompette, avec les cercles de l'Empyrée, avec les symboles des Évangélistes, avec la Terre que les eaux entourent.