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Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/317

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260 LA REVUE DE L'ART Bourgogne '; sa provenance bruxelloise, comme d'ailleurs celle des retables de Ternant, est hors de doute 2. Et c'est du Nord aussi que vient ce témoignage éclatant de la révolution accomplie dans l'art chrétien à la fin du moyen âge et qui aboutit au triomphe du pathétique : le Christ du palais de justice de Dijon, une tête admirable de tristesse et de rési- gnation, dont le front, ceint de la couronne d'épines, pleure des larmes de sang et les grands yeux aux paupières gonflées disent l'immense douleur 3. Comment d'ailleurs s'étonner que le chancelier Rollin et ses émules aient fait appel à Jean van Eyck et à Roger van der Weyden ? Contem- porains de Maelweel et de Bellechose ou postérieurs à eux 4, ces deux artistes rentrent tout à fait dans la définition du peintre de Bourgogne telle que l'a établie Olivier de la Marche. Ils peignent des carrosses, des étendards, des cierges ; ils sont « des peintres acharnés de statues »5 ; et, comme van Eyck réussit bien, il reçoit les marques habituelles de la faveur ducale. Philippe le Bon, considérant « l'abileté et souffisance que, par la relacion de plusieurs de ses gens, il avoit oy et meismes sauvit et cogonoisoit estre de fait de peinture en la personne dudit Jehan de Heick, » et « confians en sa loiauté et preudommie », l'a retenu « son peintre et varlet de chambre aux honneurs, pérogatives. franchises, libertés, droits et proufns et émo- luments accoustumez », et lui a assuré un gage de 200 livres par an . Les comptes montrent le noble duc visitant son peintre dans sa demeure, lui louant une maison, laissant des gratifications à ses ouvriers, acceptant d'être le parrain de ses enfants, le chargeant enfin de « certains loingtains voyaiges secrets, dont il ne veut aucune déclaration être faite », comme le fameux voyage de Portugal, où van Eyck peignit le portrait d'Isabelle, future duchesse de Bourgogne7. 1. Jeannez, le Retable de la Passion, à l'église d'Ambierle en Roannais, dans la Gazette archéo- logique, 1886, p. 221 et suiv. 2. Destrées, Élude sur la sculpture brabançonne au moyen âge (Bruxelles, 1900). p. 175. — Paul Vilry, Michel Colombe et la sculpture française de son temps, p. 233. 3. Le panneau, placé dans le cabinet du premier président, mesure 0m3S sur 0"30. Cf. Mâle, l'Art français à la fin du moyen âge; l'Apparition du pathétique, dans la Revue des Deux-Mondes, i" oc- tobre 1905. 4. Jean van Eyck (? - 1440) ; Roger van der Weyden (1400 (?) - 1464). 5. Dehaisnes, l'Art flamand en France, p. 80 . Courajod, Leçons professées à l'école du Louvre, t. 11, p. 307-311. 6. De La Borde, op. cit., t. I, n° 699 (année 1425). 7. De La Borde, op. cit., t. I, n" 741, 814, 858, 881, 939, 1149, 1186.