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288 LA REVUE DE L'ART collégiale, et attestent que les Gouffier, comme tous les représentants de la noblesse française, avaient été conquis par l'Italie dès leurs premiers pas au delà des Alpes. Ces deux toiles étaient si prisées que l'inventaire de 1654 les désigne nominativement, entre cent douze peintures de la «  chapelle haute », avec une Descente de Croix et deux tableaux de la Vierge 1. Ils représententSaint Jérôme et Saint Jean au désert, et portent tous deux, peintes sur la toile, les armes de Claude Gouffier. Saint Jérôme est assis sur un rocher, dans le désert. Il contemple un crucifix, sur lequel il pose une main, tandis que de l'autre il tient une pierre dont il se frappe la poitrine. En haut, dans l'angle gauche, le peintre a figuré un chapeau rouge, rappelant la tradition qui fait du soli- taire de Bethléem un cardinal et l'ami du pape Damase. L'oeuvre est de valeur, et, malgré son fâcheux état de conservation, on ne peut douter du mérite de son auteur. Faut-il aller jusqu'à prononcer le nom d'André del Sarto, comme l'a fait l'abbé Bosseboeuf, et y reconnaître le Saint Jérôme pénitent que le maître peignit S'ers 1519, à la cour de François Ier, pour la reine Louise de Savoie ? C'est peut-être bien de l'hon- neur, et rien ne vient justifier une conjecture édifiée un peu à la légère sur un simple passage de Vasari ; mais le Saint. Jean qui l'accompagne sur l'inventaire autorise les plus audacieuses attributions. Arrêtez-vous au Louvre, dans la grande galerie, devant le panneau réservé à Raphaël. Vous y verrez le sosie du Saint Jean au désert d'Oiron. Le saint, la tête couronnée de feuillage, et couvert de sa peau d'agneau, est assis au pied d'un tertre. De la main gauche, appuyée sur un tronc d'arbre, il tient une banderole où l'on lit : Ecce angn.; de la droite, il montre la croix. L'histoire de ce tableau est curieuse. Il figurait, selon Mariette (1729), dans le cabinet du roi à Versailles, poussé au noir, méconnaissable, lorsque le peintre Stiémart, .chargé de l'entretien de la galerie, entreprit de le nettoyer : «On fut surpris de pas s'être aperçu plus tôt que c'était un des plus parfaits ouvrages de Raphaël». Il avait suffi, pour faire surgir cette magnifique attribution, de quelques lignes de Vasari : «  Raphaël peignit sur toile un saint Jean pour le cardinal Colonna. Ce seigneur aimait 1. La Descente de Croix est perdue. Quant aux tableaux de la Vierge, ils peuvent désigner une Sainte Famille et une Vierge à l'Enfant, également à la collégiale, et estimables, quoique moins intéressantes que les peintures dont nous nous occupons.