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292 LA REVUE DE L'ART pairie du duché de Roannez, voulut mettre Oiron en rapport avec sa nou- velle dignité. Il agrémenta le « salon du roi » de ce plafond d'un goôt médiocre, copié sur celui que son cousin, Louis Goufïîer, venait de faire exécuter au château voisin de Saint-Loup. Mais il eut aussi l'idée de la galante décoration du « cabinet des Muses ». Nous sommes en pleine mythologie. Sur le trumeau de la cheminée, Diane se livre à son divertissement favori avec ses nymphes. Les gracieuses chasseresses, coiffées à la mode de la Régence, chignons pointus et serpenteaux pendant sur la nuque, portent des robes décol- letées, aux corps en pointe, aux manches bouffantes, aux basques ouvrant, en guise de jupes, sur une tunique à la grecque. Sans ce léger sacrifice à l'antiquité, et leurs petits arcs plus faits pour l'amour que pour la chasse, on prendrait l'aimable troupe pour un groupe de dames d'honneur d'Anne d'Autriche. Le décor entier est à l'avenant. Un lambris sculpté et doré règne tout autour du cabinet, encadrant des cartouches d'arbres chargés de fruits. Au-dessus, entre des pilastres d'un relief vigoureux, se détachent des panneaux représentant les neuf Muses, accompagnées d'Apollon, de Minerve et d'un Mercure Louis XIII, pourvu, le plus comiquement du monde, d'une moustache et d'une mouche conquérantes. L'artiste, qui en a pris à son aise avec la convention mythologique, a remplacé les attri- buts que la tradition assigne aux Muses par des instruments de musique plus gracieux, tels que viole, basse de viole, harpe ou psalterion. Quel est l'auteur de cette noble galerie? A qui le duc de Roannez a-t -il confié le soin de peindre ce cortège de jolis visages, où figurent certaine- ment sa femme, Claude-Éléonore de Lorraine, et les belles habituées d'Oiron ? L'ensemble, à tout prendre, est plus curieux que réellement artis- tique et conserve quelque chose de provincial qui reste à cent coudées de l'élégant cabinet de Sully, à l'Arsenal, si délicatement décoré par le voisin de campagne de Louis Gouffier, le maréchal duc de La Meilleraye. Nous ne croyons pourtant pas que Jacques Despicy, peintre-vitrier, ni son col- lègue Vincent Mercier, qui travaillèrent au château à partir de 1625, ni même le maniériste Bellange, à qui cependantFillon accorde plus d'habileté ', aient été pour quelque chose dans le cabinet des Muses. Nous y verrions 1. Benj. Fillon a certainement eu en vue Jacques Bellanpe, de Nancy, peintre des ducs de Lor-