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302 LA REVUE DE L'ART de subdiviser à leur tour en deux parties distinctes : les tableaux à petites figures entières, et les sujets religieux représentant des figures à mi-corps, de grandeur naturelle. L'Adoration des rois mages, au musée du Madrid, considéré comme son chef- d'oeuvre, où nous voyons, pour la première fois, la ruine traditionnelle abritant la crèche remplacée par une masure clayonnée campinoise, et où nous constatons le souci nouveau des costumes orientaux exacts; le Martyre de sainte Julie 4, au musée de Vienne, ainsi qu'un curieux Christ présenté au peuple2, appartiennent à cette pre- mière subdivision, et l'on remarquera, — comme c'est le cas dans ses autres oeuvres primitives, — que le côté satirique ou burlesque y est réduit à fort peu de chose. Les sujets religieux avec grandes figures, à mi-corps, comprennent,en les rangeant par ordre de date et de valeur, le Couronnement d'épines de l'Escurial (voir la planche hors texte), le Portement de Croix de Gand, le triptyque de Valence, et peut-être aussi un curieux Christ devant Pilate, de la galerie d'art de Princeton 3 (fig. 2). Ce genre de compositions était alors une nouveauté; il avait été mis à la mode par le maître graveur dit du Cabinet d'Amsterdam, ou de H80, dont les estampes circulèrent rapidement dans les principaux pays de l'Europe. C'est à lui que l'on doit notamment la vulgarisation de ces amusants sujets profanes, où domine l'étude d'expressions diverses qui font contraste. On connaît de ce maître un Vieillard amoureux d'une jeune femme qui lui vole sa bourse et Un jeune homme avec une vieille femme, qui lui présente tous ses trésors. On sait que ce genre de sujets fut bientôt repris non seulement par Quentin Metzys, mais aussi par Jan Prévost 5, Marinus Revjmerswale, van Heemissen, etc., à qui l'on doit ces nombreux banquiers et avares pesant leur or, dont on voit des exemplaires dans presque tous les musées de l'Europe. . . On comprendra que notre artiste, dont la peinture réaliste des expressions humaines avait toujours été l'élude favorite, ait adopté un des premiers ce genre où il acquit une grande maîtrise. Eh comparant les personnages du Couronnement d'épines de l'Escurial, son chef- d'oeuvre dans la série des tableaux à grands personnages, avec les tètes des petites figures du Christ présenté au peuple, appartenant actuellement au professeur von Kaufmann, de Berlin, dont nous donnons un fragment (fig. 3), on peut constater, à première vue, des analogies de types, d'expressions et même de modèles, qui nous prouvent que ces oeuvres ont été exécutées à des époques contemporaines. Elles ne présentent d'ailleurs pas un caractère caricatural appréciable. Le tableau de Gandc marque déjà une évolution. L'influence gothique y est moins 1. Voir L. Maeterlinck, Une OEuvre inconnue de Jérôme Bosch (Gazelle des Beaux-Arts, 1900). 2. Ibid. Ce tableau est reproduitp. 304. 3. Allan Marquant, A Painling by Hieronymus Bosch in the Princeton Art Muséum, illustrations (Bulletin de l'université de Princeton, vol. XIV, n° 11, mars 1903). 4. Quentin Metzys peignit le même sujet. Ce tableau appartient à la comtesse de Pourtalès, à Paris (n° 359 du Catalogue de l'Exposition des Primitifs flamands, à Bruges). 5. Un Vieillard avare, donnant un reçu à la Mort, peint par ce maître (figures à mi-corps), fut exposé à la même exposition (n" 157. et 157 bis du catalogue). 6. L. Maeterlinck, Catalogue du Musée des Beaux-arts de Gand (Gand, 1905), n° 13, p. 16.