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352 LA REVUE DE L'ART Il est instructif de voir naître la vocation de Courbet. Il a grandi à Ornans. Il adore son pays qui est pittoresque, noble et charmant. Il y vagabonde sans cesse, il le connaît dans tous ses coins. On le met au collège. Il s'y ennuie, excepté aux classes de dessin. L'école buissonnière et la chasse aux papillons, voilà où il est à l'aise... Cependant, Courbet va jusqu'en rhétorique. Il daigne écouter avec une attention particulière son professeur, M. Oudot, Et un jour, celui-ci se plaît à développer devant ses élèves cette pensée du philosophe de Donald : «  Un homme ne peut comprendre et produire d'art que celui qui interprète sa propre nature ; l'art, en tant qu'expression du sentiment de la société, doit, par conséquent, se transformer aussi souvent que la société même. De même que l'on dit : le style c'est l'homme, de même on doit pouvoir dire : l'art c'est la société... » Courbet, la chose est curieuse à noter, eut l'esprit frappé fortement par ces déclarations; il les médita et remédita. Elles pourraient être signées Proudhon ou, si l'on veut, Castagnary, et l'on ne serait point étonné de les lire en tête du catalogue de la fameuse exhibition Courbet de 1855, qui fut le premier grand spectacle de ce que l'on a nommé le « réalisme ». M. de Ronald, en quelque sorte grand-père du réalisme, c'est vraiment original !... Ainsi influencé, Courbet devient tout à coup passionné de dessin, et voici qui est encore très intéressant et qu'il faut retenir : ce qu'il dessine le plus souvent, ce n'est pas ce que nous avons dessiné et que l'on dessine encore, hélas, au lycée ; non, il dessine des paysages, des fleurs, des arbres, car il a pour professeur un excellent homme, «  le père Beau », qui a l'intelligence de mener ses élèves, les jours où le ciel le lui permet, en pleine nature, et qui leur dit: « Copiez ce que vous voyez » !... Ce père Beau, n'est-ce pas, c'est un autre aïeul du réalisme ? La vocation de Courbet, donc, se détermine. Il commence de prendre des pinceaux. Ce n'est point dans les idées de son père. Celui-ci veut faire de son fils un polytechnicien, et l'envoie, en 1837, au collège royal'de Besançon, où Courbet ne fait que regretter Ornans, la bonne vie familiale et le père Beau. Il ne tarde pas à renoncer à la philosophie et aux mathé- mathiques; il quitte le collège, demeure quelque temps à Besançon, où-il dessine et peint sous la direction d'un certain Flajoulot, davidiste fervent. Enfin il rentre à Ornans, prie et supplie si bien son père de l'envoyer