Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/482

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L'ART ROUMAIN ET L'EXPOSITION JUBILAIRE 397 On sait les premières découvertes de débris romains en Dobroudja par les troupes françaises en 1856. Les fouilles scientifiques ne datent cependant que de 1860 environ. En 1861, un ingénieur français, le Dr Désiré More, mettait au jour les premiers vases, médailles et monuments épigraphiquesde l'ancienneTroesmis d'Ovide, près du bourg actuel d'Iglitza, sur un bras du Danube, en face de Brada, et sa découverte était, exploitée ensuite par les membres de la Commission Européenne du Danube et la mission,archéologique française dépêchée sur les lieux par Napoléon III. Dépuis lors, M. Gr. Tocilesco, dont les travaux sont connus, a mené à bien nombre de fouilles dont les plus heureuses lui permirent de reconstituer les deux monuments, l'un triompha], l'autre funéraire, d'Adam-Klissi (108-109) ; il en exhibe les maquettes complètes, avec celle du pont de Trajan, dont il a reconnu les piles à Turnu Severin. A l'étage, la section des Beaux-Arts proprement dite comprend sept salles, dont deux consacrées aux initiateurs de la Roumanie à l'art occidental : Théodor Aman, fondateur de l'Ecole des beaux-arts qu'il soutint un temps de ses propres deniers,-et Nicolas J. Grigoresco, fondateur de la peinture roumaine. Il y a quarante ans à peine. Aman signifiait dans son pays l'absolu de l'art, et telle grande dame roumaine voyageantà Venise se refusait à y rien visiter : «  Voir de la peinture? Mais nous avons Aman à Bucarest ! » Élève de Droling et de Picot à Paris, Aman eut de grands succès et fournit une heureuse carrière, mais on lui ferait tort à vouloir le juger en dehors de son époque. Ha le mérite d'avoir fixé quelques images de la société bucarestoise d'antan. Sa maison, achetée.par l'État roumain, l'orme le musée Aman. L'oeuvre de Grigoresco, c'est toute la Roumanie champêtre, la « douce Roumanie » du poète. Parti de la traduction attentive de la nature, formé à l'école de Fontaine- bleau, le peintre a su voir le pittoresque neuf de son pays et s'est senti une indi- vidualité neuve pour le traduire: sous le ciel roumain sa palette s'éclaircit, sa couleur s'opalise de toutes les poussières dont est saturée l'atmosphère de la plaine, ses motifs gagnent en simplicité, la touche devient large, la vision s'affine constamment. Ses compatriotes l'ont enfin reconnu comme leur plus pure gloire nationale ; né dans un autre pays, sa réputation serait universelle. L'artiste en lui est complet : les scènes de marché, les têtes de caractère, les intérieurs enfumés, les fleurs ou les scènes de la guerre, l'errance des pâtres avec leurs moutons, le cheminement paisible des chars à boeufs au long des routes indécises, les profils perdus de fileuses et la rêverie des fillettes aux champs, il a tout raconté avec une émotion frémissante, une verve intarissable, un coloris délicieux ; aujourd'hui, cette longue série de toiles et de plan- chettes est jalousement recueillie dans les familles roumaines, et les générations à venir y liront les églogues d'une vie patriarcale que remplace déjà l'appareil d'une industrie intensive. L'artiste viendra aussi, à n'en pas douter, qui dira la grandeur infernale d'une forêt de sondes pétrolifères éruptives ; néanmoins les jeunes peintres roumains ne se soucient guère encore de quitter les bonnes formules récemment importées et les motifs sûrs des contrées à la mode, malgré la variété des types et des paysages de chez eux. —C'est de Bretagne que M. Stefan Popesco rapporteplusieurs menus pan- neaux, d'ailleurs d'une extrême distinction ; c'est de n'importe où que viennent les fantaisies de M. Kimon Loghi, les paysages de M. Petrasco, les scènes miséreuses ou