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Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/553

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456 LA REVUE DE L'ART il demeura de longues années à Granville, où sa famille s était établie. Son esprit s'appliqua à noter les types et les figures de ce chef-lieu de canton «  exemplaire ». Médiocrement attentif à renseignement qu'on lui dispensait au collège, le jeune Huard dévorait les livres de littérature réaliste, qu'il lui était loisible de se procurer : ses bonnes heures étaient pour Flaubert et Balzac. Il étudia le dessin, et, du coup, par instinct, se servit de choses et gens comme modèles. Plus tard, il vint à Paris., passa une année à l'École des Beaux-Arts, fréquenta un peu, — mais si peu! — l'Académie Julian, où il s'initia surtout à la technique du peintre... Ce fut Eugène Béjot, l'aquafortiste de nos quais parisiens, qui enseigna à Huard la pratique de l'eau-forte. A l'exemple de Félix Buhot et d'Eugène Béjot, Charles Huard est un amoureux de Paris, dont les divers quartiers lui ont procuré d'amusants motifs de planches. De son appartement du quai Bourbon, il peut suivre du regard ces Bateaux de Paris, qu'il a gravés avec Béjot, pour accompagner les belles pages de Gustave Geffroy. Il n'a pas loin à aller pour croquer le mouvement popu- laire de la Rue Brise/niche. Abandonnantles vieux quartiers, Huard s'égare parfois, en de rapides passages, dans le Paris des affaires et des plaisirs. Et ce lui est une occasion de noter la Bourse (pour la collection des Minutes parisiennes), ou d'aller préparer chez son actif éditeur Eugène Rey quelque nouveau recueil de ces dessins satiriques, qu'il n'a cessé de prodiguer, ici et là, depuis nombre d'années, et qui lui ont valu d'être classé parmi les « humoristes ». «  Humoriste», Charles Huard l'est sans doute par ses qualités d'obser- vation, et ce grain de malice parisienne que l'on retrouve dans ses eaux- fortes, comme dans ses illustrations pour les Figures de Vendée de M. Cle- menceau ou pour Bouvard et Pécuchet, comme dans ce New-York comme je l'ai vu, où l'artiste s'improvise écrivain de la bonne école pour com- menter ses dessins et analyser ses impressions. Cependant 1'« humoriste » s'évade de la stérilité des formules — on le constatera, s'il offre au public une exposition de son oeuvre, encore inconnu, de graveur — et parvient à une réalisation aussi juste qu'émouvante des tableaux de la vie. EDOUARD ANDRÉ