Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/56

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EUGENIO LUCAS 41 médiocres élèves de Louis David, tels Rafaël Tcjeo et José de Madrazo, avaient totalement oublié leurs grands ancêtres, dont les oeuvres pourtant s'imposaient constamment à leur vue. Us régentaient néanmoins l'art cas- tillan, et se faisaient admirer avec des compositions sans caractère, sans tempérament et sans vie, dont la pauvreté des formes passait pour de la sévérité, l'exécution froide, patiente et laborieuse, pour de la science, de la précision et de la noblesse. Leurs disciples et successeurs, Federico et Luis de Madrazo, Carlos Luis de Ribera, José Galofre, Antonio Brugada, peintre de marines; Gena- rio Villa Amil, peintre d'intérieurs: Carlos de Haes, peintre de paysages, tout en témoignant dans leurs ouvrages d'un progrès réel, trop timide et trop timoré, il est vrai, n'arrivèrent pas à émanciper la peinture espa- gnole. Les très rares artistes qui avaient franchi les Pyrénées s'étaient bien un peu détournés de David pour s'enrôler, les uns à Paris parmi les élèves de Delaroche, les autres à Rome, parmi ceux d'Overbeck, mais ce n'était là, en somme, qu'un progrès relatif. La sève nationale qui avait produit les Velazquez, les Zurbaran, les Alonso Cano, les Murillo et tant d'autres, semblait irrémédiablement épuisée. Il n'en était heureusement rien ; Vicente Lopez et Eugenio Lucas, ce dernier surtout, en avaient hérité, au moins en partie. A Lucas elle suffi- sait amplement, aussi ne s'inquiétait-il pas des questions d'école alors à la mode. Loin des divagations pompeuses et des abstractions métaphy- siques, il ne se perdait pas davantage dans la recherche des poses imitées et renouvelées de l'antique, dans l'étude des draperies des statues grecques et romaines, non plus que dans les minuties futiles de la couleur locale, chères à Delaroche, ou dans l'ascétisme moyenageux préconisé par Over- beck. De tout cela, il n'avait cure. Avec sa brutalité native, son intelli- gence picturale peu commune, son heureuse indifférence de tout ce qui n'était pas la peinture elle-même, il ne s'occupait que d'interpréter un sujet selon sa véritable signification, sa donnée réelle. Le jeu de la lumière dans ses différentes combinaisons, ses modifica- tions d'aspect selon les heures du jour et les situations, la mise en place des figures sans superfluités inutiles, voilà ce qui le captivait et lui tenait à coeur. LA REVUE DE L'ART. — XX. 6