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Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/97

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74 LA REVUE DE L'ART avons parcouru le chemin, alors que c'est à peine si, au milieu du XIIe siècle, et encore dans un petit monumentpresque d'orfèvrerie, la porte de San Zeno de Vérone, nous trouvons en Italie le premier sentiment de ce naturalisme qui va régénérer l'art du monde. Je n'ai donc pas à conclure : les documents sont là, ils doivent parler pour moi. Je me doute bien cependantdes contradictions que je vais voir surgir devant ma thèse : je ne quitterai donc pas la place sans montrer que, peut-être inconsciemment — de même qu'ils ont accepté la légende de l'humilité des primitifs — les maîtres se sont fort avancés sur la route où je les veux entraîner. C'est en effet une chose très bizarre, très complexe à expliquer, que de voir les écrivains d'art les plus sérieux s'ingénier, pendant des pages longuement méditées, à montrer, dans les premières manifestations de cette Renaissance italienne du XIIIe siècle, l'influence française, et conclure, sans paraître se douter de leur contra- diction, à l'origine essentiellementitalienne de la Renaissance. Cela vraiment me rappelle la séance du Comité d'archéologie du 8 mars 1844, où les membres, recon- naissant l'extrême importance de la signature des artistes du moyen âge, décidèrent alors de s'occuper de l'étude de la musique. Remontons jusqu'à Courajod. En 1888, dans ses Véritables origines de la Renaissance1, il avait exposé sa théorie nouvelle. Donc, imprimait-il, on est arrivé à déclarer que la Renaissance est apparue subitement pour la première fois en Italie au commencement du xv° siècle, et qu'elle est sortie uniquement et spontané- ment de l'imitation de l'art antique. Or, l'art d'un Donatello ou d'un Ghiberti n'était pas un point de départ universel, c'était au con- traire un point d'arrivée. Ainsi, Courajod, avec son érudition, mais avec sa violence qui ne savait pas convaincre, découvrait le passé. A ce moment, par exemple, les documents faisaient défaut; il n'avait pour lutter que son énergie, que sa bonne foi ; c'était insuffisant. Personne ne fut convaincu, et Eug. Mûntz, toujours si courtois, parlant dans l'Ami des monuments -, de M. Ch. Normand, des Artistes français du XIVe siècle et de la propa- gande du style gothique en Italie — le XIIe n'existait pas encore. — se bornait, avec une concision un peu dure, à écrire : Mon travail pourra apporter quelques arguments à la thèse brillante, mais peut-être un peu paradoxale, soutenue par M. Courajod dans une récente étude, et passait sans insister. Pourtant, peu de temps après, M. S . Reinach, toujours au courant des découvertes nouvelles, élargissait l'horizon du champ d'investigations et s'exprimait ainsi : Lorsque la France aura un art original au XIIIe siècle, c'est par l'évolution libre de son génie, et le contact de la Renaissance italienne sera loin, on le sait, de lui profiter 3. Je ne crois pas que Zimmermann ait connu ce passage de notre savant compa- triote, quand il déclarait que cet Antelami de Parme, que tout à l'heure Venturi va 1. Gazette des Beaux-Arts, 1888, t. I, p. 21 2. 1888, p. 247. 3. Antiquités nationales, p. 25.