Aller au contenu

Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
les souvenirs de m. j.-a. le roi.

guerre, l’invasion ; interne à l’hôpital de Versailles, en 1814, il s’était, avec ses camarades, dévoué sans compter au chevet des blessés, et l’on devine quelles horribles visions durent laisser dans l’esprit d’un jeune homme de dix-sept ans ces salles bondées de mourants, où la gangrène et le typhus régnaient en maîtres. À côté de lui, deux de ses amis, Remilly et Renaud, étaient tombés ; lui, plus heureux et plus résistant, avait échappé à la mort ; mais ce sont des souvenirs qui pèsent sur toute une vie.

Affaibli par l’âge, privé de ses plus chères affections et toujours tenté de faire avec le passé d’affligeantes comparaisons, M. Le Roi, dès les premiers revers, ne trouva plus guère la force de réagir contre les mauvaises nouvelles ; même sa foi religieuse, très sincère, ne lui procura pas, au cours de ces longs mois d’occupation étrangère, ce sentiment de confiance inébranlable qui, chez certains, sut résister à toutes les désillusions. Son cœur oppressé ne trouva qu’un soulagement, le travail : d’abord, ce labeur régulier que lui fournissait l’exercice de sa profession ; la Bibliothèque, qui fut, pendant la guerre, le principal souci de M. Le Roi, lui apporta, en revanche, de précieuses consolations. Puis, ce fut une autre tâche non moins absorbante. M. Le Roi était médecin. On le revit, comme en 1814, donner ses soins aux blessés : et, de nouveau, il ira jusqu’à la limite de ses forces : c’est une grave pleurésie qui, au mois de novembre 1870, l’oblige à renoncer au devoir qu’il s’est imposé ; désormais, son existence semble n’avoir plus de but et il renonce même bientôt à tenir le journal où, depuis le début de septembre, il notait ses tristes impressions ; les dernières mentions sont très brèves et s’arrêtent brusquement au 22 décembre.

Dans ce document intime, il a fallu faire de longues coupures et supprimer, en particulier, tout ce qui présentait un caractère trop personnel, puisque, aussi bien, en écrivant ces pages, M. Le Roi ne pensait pas qu’elles pourraient jamais être publiées : de là, certaines négligences de style, certaines réflexions un peu faibles ; de là aussi, la sincérité et la valeur d’un témoignage qui apporte bien des éléments nouveaux à l’histoire non seulement de la Bibliothèque, mais de notre ville, pendant cette cruelle période.

Ch. Herschauer.