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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/16

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bernis et la guerre de sept ans.

plus banal comme au plus spécial, — Madame de Pompadour montre parfois, quand elle trace à l’Ambassadeur l’attitude à observer dans l’exercice de sa mission, une gravité d’esprit et une intensité de vues qu’on ne saurait trop remarquer. « Une lettre des Évêques au Pape — écrit-elle à Stainville, le 10 novembre 1755 — vous donnera vraisemblablement de l’inquiétude et peut-être beaucoup de peine à réussir ; mais j’espère des lumières et de l’esprit du Saint-Père, et plus encore dans son amour pour la Religion, pour la personne du Roi et pour l’État, qu’il sentira la nécessité de mettre la paix dans l’Église et de ne pas laisser de prétexte aux fous qui veulent anéantir la Religion et mettre le feu au Royaume. Les mêmes motifs vous animeront, Monsieur, et me donneront bonne espérance[1]. »

On pourrait citer d’autres extraits qui révèlent aussi vivement encore la passion ardente et réfléchir qu’elle apporte au règlement du conflit. Mais laissons là pour l’instant la négociation se poursuivre selon les formes lentes et recueillies de la Diplomatie Pontificale, et retournons à la Cour, alors à Compiègne, où on avait appris avec stupéfaction, le 18 juillet, qu’une escadre anglaise avait surpris et capturé sans provocation de notre part deux de nos vaisseaux armés en flûte dans le nord de l’Atlantique. Depuis quelques temps déjà, la guerre existait de fait entre la France et la Grande-Bretagne à notre frontière du Canada, objet des convoitises de la nation rivale, et dans l’oisiveté d’une paix que rien ne semblait devoir troubler au regard d’une société follement adonnée à ses plaisirs, personne n’y prêtait d’attention et ne se préoccupait des moyens de la soutenir efficacement. « Point de marine, une milice désorganisée, manque d’union dans le Conseil, guerre ouverte entre d’Argenson et Machault, des finances n’ayant que l’apparence d’une bonne administration, car, depuis le traité d’Aix-la-Chapelle, l’État dépassait tous les ans au delà de ses revenus », soupire Bernis, rentré de son observatoire de Venise à point nommé pour recevoir, par un singulier concours de circonstances, la lourde charge de notre politique extérieure. Les beaux sentiments n’éclatent pas moins, et Madame de Pom-

  1. Général de Piépape, Lettres de Madame de Pompadour au Comte de Stainville (Choiseul), ambassadeur 1754-1757), — Revue de l’Histoire de Versaille, 1917.