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les souvenirs de m. j.-a. le roi.

Jeudi 13.

Aujourd’hui, le bruit court dans la ville qu’il y a eu une rencontre entre les Prussiens et nos troupes près d’Orléans et que notre armée a encore éprouvé un grave échec. Pauvre France, dans quelle affreuse passe tu te trouves ! Ce matin, est arrivée dans Versailles une centaine de pauvres habitants de Garches, femmes, vieillards et enfants. C’était le reste de la population de ce village. Les Prussiens les ont renvoyés parce qu’il paraît qu’ils veulent s’y placer pour attaquer, dit-on, le fort du Mont-Valérien. On a été obligé de donner du pain à tous ces pauvres gens et on les a fait coucher la nuit au Grand-Séminaire. On a vu passer sept mobiles prisonniers, conduits par les Prussiens. Déjà, plusieurs boulangers de la ville ont cessé de cuire, faute de farine ; tout devient très cher ; on peut très difficilement se procurer du sucre. Que Dieu nous protège !

Vendredi 14.

Voici un fait qui est arrivé hier : un vieillard de soixante-dix-neuf ans, M. Hamel, ancien conseiller à la Cour d’Amiens, avait un petit appartement rue Neuve. Un officier prussien se présente chez lui pour y loger. Ce vieillard lui fait observer la petitesse de son logement qui ne lui permet pas de l’y recevoir et lui offre de payer pour lui un logement dans un hôtel. L’officiere refuse et veut absolument rester dans l’appartement et s’empare de son lit. Le pauvre vieillard reçoit une telle commotion de cette discussion qu’il tombe frappé d’apoplexie aux pieds de ce brutal officier. L’autorité supérieure prussienne punira-t-elle cet acte de sauvagerie ? J’en doute. Aujourd’hui, est venu à Versailles un général français, que l’on dit être le général Boyer. Il est resté deux heures en conférence avec M. de Bismarck. Une foule considérable s’était amassé rue de Provence, où loge M. de Bismarck. À la sortie du général de chez l’ambassadeur prussien, le général a été accueilli par les cris de : Vive la France ! Plusieurs nouvelles circulent dans la ville. On dit que les Français ont repris Orléans. On dit aussi que 10, 000 hommes de troupes françaises sont à Dreux. Tout cela est-il vrai ?