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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/190

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pendant la guerre de 1870.

instruit et surtout très au courant de la littérature française. Il parcourut avec l’intérêt d’un amateur toute notre bibliothèque, examina avec attention nos éditions rares et s’arrêta particulièrement aux livres de Marie-Antoinette et surtout de Madame du Barry. Pendant cette visite, qui dura plus de deux heures, j’étais fort inquiet, car, le voyant si amateur, je craignais toujours qu’il ne lui prît fantaisie de s’en administrer quelques-uns, ce qui heureusement n’eut point lieu.

Quelques jours après, ce fut le tour du prince Luitpold de Bavière et de ses aides de camp. Ce que désirait surtout voir le prince, c’était tout ce qui concernait Versailles et Louis xiv.

Puis, un peu plus tard, le Prince Royal, accompagné de généraux. Le Prince visita toutes les salles, examina nos recueils sur Versailles, et fut d’une très grande amabilité, m’annonçant même que, très probablement, il enverrait à notre bibliothèque quelques ouvrages sauvés, disait-il, de l’incendie de Saint-Cloud ; ce qui ne se réalisa pas.

À ces visites de grands personnages en succédèrent d’autres moins importantes. Tous les jours, des officiers de tous grades vinrent nous visiter et j’avais le plus grand soin qu’ils fussent toujours accompagnés, de crainte de quelque soustraction.

Jusqu’ici, je n’avais eu que des visites ; bientôt, ce furent des demandes de livres à emporter qui se succédèrent. Je fis d’abord quelques difficultés, mais, menacé de les emporter par ordre, je dus céder devant la force : cependant, je ne les laissai sortir que sur reçu, ce qui fut exécuté sans difficulté.

Le premier de ces emprunteurs fut le roi de Prusse lui-même. Un M. Schneider, conseiller intime du Roi, se présenta de la part du Roi, demanda qu’on lui confiât plusieurs ouvrages et surtout des livres de gravures pour mettre dans les salons, et enfin, pour le Roi lui-même, le livre du Carrousel de 1662.

Cette demande me surprit. On avait donc dit au Roi que nous possédions cet ouvrage ! Je craignis d’être obligé de tirer de sa cachette notre précieux livre. Fort heureusement, il existe à la Bibliothèque un exemplaire de ce Carrousel en gravure noire, avec texte latin, que Louis xiv fit faire pour donner aux cours étrangères. Je donnai cet exemplaire et il satisfit le Roi, car, huit jours après, nous reçûmes la lettre suivante de M. Kranzki, autre conseiller du Roi :