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bernis et la guerre de sept ans.

alarmant langage avec l’impétuosité de leurs sentiments et le souci de leurs intérêts personnels : « Je vois que les troupes qui vous ont été demandées pour l’Impératrice vous déterminent à une seconde retraite mille fois plus humiliante et plus dangereuse à tous égards que celle que vous venez de faire — lui écrit Madame de Pompadour, le 15 avril. Nos alliés accablés et la Hollande maîtresse de se déclarer sans courir de risque sont les moindres inconvénients qui en doivent résulter. D’un autre côté, si nous n’envoyons pas à l’Impératrice les secours promis, elle est en très grand danger d’être détrônée. Nous resterons donc seuls, ayant abandonné et laissé périr nos amis, — et où trouverons-nous jamais des Puissances assez dupes pour vouloir en être ? — déshonorés, perdus dans l’Europe entière, avec le Roi de Prusse, l’Angleterre et peut-être bien d’autres encore acharnés à notre destruction… Au reste, si vous ne croyez pas votre armée assez forte, il sera facile de vous faire passer des troupes de Flandre ou des autres Provinces[1]. » Le lendemain, Bernis intervient à son tour : écœuré de voir son œuvre se gâter chaque jour par les fautes de ceux qui ont charge de l’exécuter, il inspire au Roi les termes d’une lettre, où, s’arrachant à d’énervantes pensées qui lui montrent la paix avec l’Angleterre comme le seul moyen d’arrêter le cours de nos catastrophes[2], il restitue à l’honneur de la Couronne la place qui ne pouvait lui être déniée. « Mon armée s’est retirée aussi loin qu’il le fallait pour sa sûreté — y lisons-nous ; — elle couvre aujourd’hui par sa position une partie des États de mes alliés, mais je ne consentirais pas qu’elle abandonnât la défense du Rhin sans y être absolument forcée. Il serait trop honteux d’abandonner Dusseldorf et Wesel, et je veux que vous les défendiez. L’honneur est préférable à tout, et je ne sépare pas le vôtre du mien, ni de celui de toute la nation[3]. » Nul doute, concluait la lettre, que « l’Impératrice ne reçoive les 30, 000 hommes qu’on Lui a promis, car on veut et on doit Lui tenir parole ; mais l’Armée Royale ne manquera pas de troupes et on lui enverra au besoin de celles qui sont en Flandre. » À cette injonction, le

  1. Papiers Clermont, 1758, tome ii.
  2. Ce projet resta à l’état d’ébauche. Bernis y voyait un moyen de mettre le Roi de Prusse à la raison.
  3. À Versailles, 16 avril. Papiers Clermont, 1758.