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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/230

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bernis et la guerre de sept ans.

doit aujourd’hui 21 millions d’arrérages de subsides, et le défaut d’argent m’obligera de manquer à ma parole toutes les semaines. Si je reste dans Son Conseil et que je travaille avecq M. le Duc de Choiseul (ainsi qu’il l’a demandé lui-même), je seroi bien aise d’ôter toute inquiétude aux Cours Étrangères qui ont quelque confiance en moi. Si, au contraire, l’intention du Roi est que je me retire tout à fait, il faut qu’Elle ait la bonté de me prescrire le langage que je dois tenir pour annoncer ma retraite, ainsi que la désignation de mon successeur. Je supplie V. M. de vouloir bien me donner Ses ordres[1]. » Mal lui en prit : les victoires de Lutterberg[2] et de Hochkirch[3], respectivement gagnées à quelques jours d’intervalle par Soubise sur les Généraux d’Oberg et d’Isenburg, et par le Maréchal Comte Daun sur le Roi de Prusse, n’avaient pas seulement raffermi pour un temps la situation militaire des Puissances alliées ; elles affaiblissaient encore les raisons sur lesquelles s’appuyait Bernis pour se démettre de sa charge, en rassérénant aux yeux satisfaits du Roi et de Madame de Pompadour un état de choses qu’il leur avait représenté en traits si alarmés.

Depuis la date du 9 octobre, où il avait offert au Roi la remise de son Département, et surtout depuis celle du 30 octobre, où il L’avait sommé de l’informer s’Il le conservait à son Conseil, la disgrâce de Bernis était irrévocablement décidée ; mais il fallait attendre l’arrivée du Duc de Choiseul, et diverses circonstances se jetaient momentanément à la traverse d’une exécution aussi rigoureuse. Un emprunt de 40 millions, destiné à fournir au Roi les moyens de continuer la guerre et de remplir ses obligations envers ses Alliés, avait été arrêté par le Contrôleur Général, et on comptait sur le grand crédit de Bernis auprès du Parlement pour en obtenir l’enregistrement, fortement combattu par une partie de la haute Assemblée. D’autre part, un Camérier de Sa Sainteté allait arriver, et pour ne pas surprendre trop brusquement la Cour de Rome par une décision dont Elle se montrerait froissée, pendant que les Puissances alliées en tireraient l’impression fâcheuse d’un change-

  1. Mémoires de Bernis.
  2. 10 octobre 1758.
  3. 14 octobre 1758.