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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/344

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dans la littérature contemporaine.

marqua l’avènement du mouvement symboliste : la Revue Indépendante, la Vogue, les Écrits pour l’Art, la Plume, le Mercure de France. Mallarmé, Verlaine et Samain ayant disparu tour à tour, M. Henri de Régnier ne tarda pas à partager avec Jean Moréas la toute première place parmi les jeunes poètes. Il fut entre tous le chantre des sylvains et des dryades, des vieux parcs et des fontaines. Il devait donc aimer Versailles : ce fut en effet Versailles qui retint sans cesse son inspiration. Après en avoir maintes fois célébré la magnificence, il lui consacra un recueil de poèmes qu’il nomma, selon un mot de Michelet, la Cité des Eaux[1].

Voici la belle invocation qui ouvre la Cité des Eaux :

SALUT À VERSAILLES

Celui dont l’âme est triste et qui porte à l’automne
Son cœur brûlant encor des cendres de l’été
Est le Prince sans sceptre et le Roi sans couronne
De votre solitude et de votre beauté.

Car ce qu’il cherche en vous, ô jardins de silence,
Sous votre ombrage grave où le bruit de ses pas
Poursuit en vain l’écho qui toujours le devance,
Ce qu’il cherche en votre ombre, ô jardins, ce n’est pas

Le murmure secret de la rumeur illustre,
Dont le siècle a rempli vos bosquets toujours beaux
Ni quelque vaine gloire accoudée au balustre
Ni quelque jeune grâce au bord des fraîches eaux ;

Il ne demande pas qu’y passe ou qu’y revienne
Le héros immortel ou le vivant fameux
Dont la vie orgueilleuse, éclatante et hautaine
Fut l’astre et le soleil de ces augustes lieux.

Ce qu’il veut, c’est le calme et c’est la solitude,
La perspective avec l’allée et l’escalier,
Et le rond-point, et le parterre, et l’altitude
De l’if pyramidal auprès du buis taillé ;

La grandeur taciturne et la paix monotone
De ce mélancolique et suprême séjour,
Et ce parfum de soir et cette odeur d’automne
Qui s’exhalent de l’ombre avec la fin du jour.

  1. Paris (Mercure de France), 1902 ; in-12.