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Page:Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, année 1919.djvu/356

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dans la littérature contemporaine.


Ce beau jardin paré de tant de grâces vaines
Brusquement, en un jour, fut désert et, depuis,
Notre oreille anxieuse écouta dans les nuits
L’approche du canon sur les routes lointaines.

Nous t’aimions doublement, chef-d’œuvre menacé,
Trésor de notre gloire et de notre passé
Dont le sort se liait au risque des batailles.

L’impur Barbare a fui sans pouvoir te saisir ;
Mais quelle autre victime a-t-il osé choisir,
Puisque Reims a payé la rançon de Versailles !


Bien d’autres poètes ont chanté Versailles. M. Gaston Destrais, M. Auguste Jehan, M. Henri Allorge, M. Ernest de Ganay, M. Pierre Gauthier, M. François Loison, trente autres encore, ont fixé leur admiration en de beaux poèmes, où s’accuse l’évolution qui s’est produite dans les sentiments des écrivains français, depuis l’hostilité railleuse des romantiques jusqu’à la piété passionnée des poètes contemporains.

Cette évolution est significative. Elle indique l’influence actuelle et le prestige toujours croissant de Versailles ; elle permet de prévoir son rôle dans la France à venir.

Il n’y avait en 1830 que le château abandonné d’une monarchie disparue, avec les souvenirs d’un faste que l’on ne goûtait plus et que l’on n’entrevoyait pas encore à travers le rayonnement glorieux de l’histoire. Ce château désert semblait promis à la luxuriante avidité de toutes les fleurs des ruines. Les giroflées sauvages et les pavots funèbres n’allaient-ils pas triompher du zèle inutile de la Sarcleuse ? Aujourd’hui, le vieux palais est devenu un jeune temple, un temple élevé à toute la gloire française ; un temple dont le prestige vient de s’accroître encore, et dont les foules toujours plus nombreuses apprendront le chemin.

Mais c’est aussi le dernier temple offert à la Sagesse et à la Beauté, le suprême asile de la méditation et du rêve. Il est désormais presqu’aussi enviable d’entendre, comme Mme de Noailles, chanter un rossignol dans le Jardin du Roi, ou de contempler le soleil crépusculaire s’abaissant vers le Grand-Canal et se reflétant aux mille glaces de la façade sublime, que de redire sur l’Acropole la prière immortelle de Renan.