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augusta holmès.

teur de Rédemption, encore moins sa science du développement. Il n’est pas étonnant que la dissemblance se soit accusée quant au style, aussi complète que possible entre le maître et l’élève. Le tempérament exalté et sensuel d’Augusta était le plus opposé qui se pût concevoir à celui du maître belge, tout intérieur, tout mystique et quasi-religieux, jusque dans l’interprétation des mythes du paganisme. Et certes, César Franck ne pouvait méconnaître l’organisation musicale vraiment supérieure de son élève qui, de son côté, nous l’avons vu, professait pour son vieux maître un culte aussi pieux qu’éclairé. Mais elle ne pouvait, l’eût-elle voulu même, communier avec lui. Trop fort était en elle l’instinct qui l’entraînait en un sens opposé. Nous ne saurions lui faire grief d’avoir œuvré selon sa nature, mais ne pouvons l’acquitter de même de n’avoir pas tiré tout le parti possible de l’enseignement technique qu’elle fut à même de recueillir. Dans sa hâte de produire, elle n’approfondit pas assez ses études. Elle manqua de la patience nécessaire. Elle était femme en cela, s’il est vrai, comme on l’a dit et comme il est plausible, qu’en matière d’art, (de création artistique, s’entend) la femme trop confiante en ses dons naturels, soit infiniment moins apte ou plus rebelle que l’homme à l’effort de concentration cérébrale, à l’austère discipline que nécessite le labeur incessant du perfectionnement. Elle était femme encore en ceci que, pas plus qu’elle ne s’était souciée de pousser à fond sa formation technique en vue de produire, elle n’eut à cœur, au cours de sa production même, de renouveler ses moyens d’expression. Ses compositions ne portent pas de numéros d’œuvres. Et il serait malaisé, en l’absence de renseignement chronologiques, d’attribuer telle ou telle au début plutôt qu’à la fin de la carrière de son auteur, aucune évolution n’y paraissant sensible. Tous les procédés, qualités et défauts, se retrouvent de la première à la dernière, du Chamelier à la Montagne Noire, les défauts seulement plus accusés dans les œuvres plus ambitieuses.

De dons naturels, Augusta Holmès était loin de manquer. Sa facilité était prodigieuse et Mlle Louise Abbema m’a conté à cet égard une anecdote typique. Elle faisait le protrait de la musicienne. Or, un jour qu’Augusta, venant pour poser chez elle, lui avait apporté, triomphante, et joué au piano l’Hymne à Éros qu’elle venait de composer :