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bernis et la guerre de sept ans.

en état de partir incessamment » ; et ajoute-t-elle en forme de salut : « J’ai cru devoir l’en instruire pour qu’il fit ses arrangements en conséquence[1]. » Sans doute, Stainville songeait au départ, mais un souci plus important occupait son esprit dans le moment : c’était de se débarrasser de Rouillé, avec lequel il jugeait toute correspondance oiseuse. Après s’en être ouvert à Madame de Pompadour, qui commence par en rire — tant l’idée lui semble aventureuse — et n’y fait aucune objection, il va trouver le Ministre et, au cours d’un entretien dont les détails sont bien connus, le détermine à se défaire de sa charge. Triomphant, il revient auprès de la Marquise et, dans le mystère d’une diplomatie que nous n’avons pas à exposer ici, il lui conseille, s’il plaît au Roi, de porter Bernis au Département des Affaires Étrangères. Aussitôt dit, aussitôt fait : le 26 juin, l’abbé de Bernis reçoit le portefeuille à l’heure même qu’on apprenait à la Cour l’éclatante victoire de Kollin, remportée le 18 par le Maréchal Comte Daun sur l’Armée Prussienne, et immédiatement suivie de l’évacuation de la Bohême. À ce succès qui consacre à ses yeux l’efficacité de sa politique, Madame de Pompadour ne peut contenir sa joie : « Le Roi en est sorti glorieux et l’avenir en sera encore plus brillant — écrit-elle à Stainville le 6 juillet. L’Abbé est un habile et honnête homme. Je veux que vous l’aimiez à la folie » [2], l’adjure-t-elle dans son rêve d’union intime entre tous ceux qu’elle a placés à la tête de l’État et au commandement des armées. Bref, comme le montre la suite de ses lettres, Madame de Pompadour n’épargne à Stainville ni les conseils, ni les exhortations, pour qu’il entretienne, en parfaite harmonie avec elle et l’abbé de Bernis, l’accord entre les deux Cours, et cultive par la noblesse et la bonne foi de ses procédés l’amitié réciproque du Roi et de l’Impératrice, se comporte en public comme si l’alliance devait être éternelle et veille, en un mot, à la bonne exécution du traité du 1er mai. Telle est la substance des instructions tracées par Bernis qu’emportait l’Ambassadeur en se rendant à la Cour Impériale.

(À suivre.)

Mis de Persan.
  1. Général de Piépape.
  2. Ibid