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nités femelles y représentent en quelque sorte la matrice où le dieu mâle s’engendre par sa seule énergie. Le bœuf Apis était considéré comme une incarnation d’Osiris, comme le fils d’une génisse vierge[1] fécondée par le souffle de Phtah, le grand démiurge. Le rôle assigné à la génisse et au taureau résulte évidemment de celle tendance qu’éprouvèrent de très-bonne heure les Égyptiens à se figurer leurs dieux sous des formes animales, et peut-être bien est-ce un souvenir de cet antique et grossier symbolisme qui poussa l’un de nos auteurs du moyen âge à examiner sérieusement la question de savoir si Notre-Seigneur Jésus-Christ aurait pu s’incarner sous la figure d’un âne. En tous cas, l’on peut rapprocher de la croyance des riverains du Nil celle des peuples de la Lusitanie. Ces derniers se figuraient que leurs cavales étaient fécondées par le souffle du vent. Ceci nous prouverait, par parenthèse, la réputation de rapidité dont jouissaient les chevaux de ce pays[2].

Maintenant, si cette légende du bœuf Apis découle (chose incontestable à nos yeux) de ce penchant au zoomorphisme qui donne une apparence si fétichiste au vieux culte de l’Égypte, l’on sera bien forcé d’admettre qu’à l’origine le rôle dévolu au taureau sacré et à sa mère avait primitivement été attribué à quelque divinité analogue à l’Attys de la Phrygie. Sur ce point, comme sur bien d’autres, l’on découvre une parenté intime entre les dogmes des anciens Chamites et ceux des enfants de Sem. Cela n’a rien de surprenant. Ces peuples, unis à l’origine

  1. Hérodote, Histor., III, chap. XXVIII. — Mariette, Mémoire sur la mère d’Apis, Paris, 1856.
  2. Pline, Histoire naturelle, lib. VIII, § 67.