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dont se compose ce verset n’a point de verbe, et il ne s’agit plus ici ni des germes des feux, ni des germes des végétaux, ni même des germes des animaux domestiques ; mais il s’agit uniquement de 1.900 germes d’hommes et de 1.900 germes de femmes, c’est-à-dire de 1.900 couples humains.

Eh bien ! c’est ce verset que de Harlez invoque pour se justifier d’avoir traduit çufra par charrue, et il dit : « Répands ces germes dans le vara avec le soc d’or. » En vérité, on reste confondu en pensant qu’un savant comme de Harlez ait pu être conduit à cette idée monstrueuse de faire répandre des couples humains avec une charrue, par un roi désireux d’obtenir un peuple d’élite. Et notons bien que la phrase zende étant dépourvue de verbe, ce ne serait pas « répands » qu’il faudrait dire, ce serait « enterre, enfouis ces couples humains, » si l’on admettait que c’est d’une charrue que Yima s’est servi, car le mot charrue introduit dans la phrase ne laisse plus le choix du verbe. Ajoutons que les mots germes d’hommes et germes de femmes ne sont susceptibles que de deux autres interprétations : si l’on voulait voir, dans ces germes d’hommes et dans ces germes de femmes, des garçons et des filles au maillot, l’acte de Yima resterait tout aussi monstrueux ; si l’on voulait y voir des spermatozoïdes d’hommes et des ovules de femmes, l’acte de Yima serait insensé. Hors de ces trois interprétations, il n’y a plus rien. Le çufra de Yima n’est donc pas une charrue. C’est l’insigne de la royauté : c’est le sceptre. Yima se sert de son sceptre, de son autorité royale, pour assigner aux ménages qui peuplent sa colonie les places qu’ils doivent occuper dans le vara.