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LANGAGE RELIGIEUX ET DE COUR.


Il y a à Samoa un langage religieux et de cour très-développé. Réuni en un recueil complet, il formerait un petit dictionnaire.

Tout ce qui regarde la majesté d’un chef, tous ses membres, les moindres parties de son corps, ses vêtements, sa démarche, ses actions, ses pensées, ses désirs, ses volontés, etc., etc., tout cela exige des termes nobles ; aucun mot roturier ne doit être entendu.

Si on le salue, si on le loue, si on le prie, si même on l’appelle menteur, il faut employer le mot noble.

Cette majesté est une déité à part, et bien au-dessus du commun des mortels. Sa présence semble tout transformer. Les objets ordinaires et communs qui l’environnent ou qu’il touche prennent des noms nouveaux que tout le monde doit connaître. Quand il parle ou qu’il daigne vous écouter, chaque phrase entraîne des paroles d’excuse et d’approbation de la part de celui qui lui répond.

Qu’un empereur, qui mange, dort et boit comme les autres hommes, est petit auprès d’une si haute majesté, dont toutes les actions sont relevées par un luxe de paroles respectueuses !

En Europe on dit : le roi est mort ! comme on le dit du berger. Mais à Samoa, jamais, quand on annonce la transformation, le déplacement de sa majesté tapaau o le lagi, jamais le mot roturier mort n’y est entendu. Ce sont des termes choisis, des figures ravissantes qui annoncent la fatale nouvelle. Le courrier peut parler dix minutes pour annoncer cette mort, sans avoir prononcé une seule fois le mot roturier o le oti. Il fait défiler ces nobles figures avec une complaisance bien marquée.