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siècle. Nous en avons quatre exemples. Il avait donc cette finale qui est un signe de féminité dans toute la langue française. Cette prononciation involontaire d’un e muet dans la finale eur produisit en vieux français la forme bonheureté, l’état du bonheur. C’est la prononciation qui a féminisé dans la langue du peuple les mots autel et hôtel, incendie etc., parce que un se prononce une devant tous ces mots : « une incendie, une hôtel. »

M. Littré a hasardé sur cette transformation de genre une hypothèse à laquelle il semble n’attacher qu’une faible importance. Il l’appelle « une petite théorie », en ajoutant : « Le mot n’est-il pas ambitieux pour des choses si ténues ? » (Préface de la 2e édition de la grammaire historique de Brachet.) Établissant que tous ces substantifs en latin or, en français eur, ont été féminins, et trouvant au XIIIe siècle un d’eux avec une terminaison féminine, caure (chaleur du latin calorem), il suppose que ce mot (dont on n’a que trois ou quatre exemples) a exercé une influence sur le genre de ses semblables. D’abord il faudrait en trouver d’autres que caure, et jusqu’ici il n’y en a pas ; ensuite, caure, avec son e final, n’est pas une cause, il est un effet. Cet e résulte de la prononciation indiquée par Ed. du Meril, que nous avons citée plus haut. En terminant, M. Littré remarque que ces mots sont tous masculins, comme ils doivent l’être, en italien, en espagnol, mais qu’ils sont féminins en provençal. Nous nous emparons de ce féminin sur une terre gauloise pour l’ajouter à la preuve historique à laquelle nous arrivons.

2o cause historique. Si les peuplades celtiques admettant le masculin et le féminin, comme le fait l’armoricain,